Quelle l'histoire du "Chateau Yon" situé sur le domaine des Chartreux en 1824 ?
Question d'origine :
Dans les archives de lyon, sur le document coté 2S0572 qui représente un plan du domaine des chartreux daté de 1824, il y a un bâtiment nommé 'Chateau Yon', sauriez-vous ce qu'est ce batiment ? Est-ce une batisse antérieure aux Dames de saint joseph tel qu'existant aujourd'hui?
Je ne retrouve pas de documents concernant ce 'Chateau Yon' (aucun texte, dessin, représentation, utilité, etc...)
Voici le lien vers le document 2S0572 : Archives de Lyon, document 2S0572
Merci par avance pour votre retour.
Réponse du Guichet
Comme pour votre question précédente sur le même sujet, il faudra vous reporter au fonds des Chartreux conservé aux Archives départementales du Rhône. Ceci étant dit, vous trouverez une synthèse partielle des dites archives, au moins sur la période couvrant le XIVe siècle jusqu'à la Révolution, dans l'ouvrage de référence de Joseph Pointet.
Érudit lyonnais passionné par l'histoire de notre ville, Joseph Pointet (1851-1943) laisse une œuvre considérable constituée de trente-cinq recueils manuscrits sur fiches offerts par ses soins au Musée historique de Lyon et à partir desquels il commença la publication d'une série de quatre volumes sur l' "Historique des propriétés et maisons de Lyon du XIVe siècle à la Révolution", dont les deux derniers tomes concernent précisément les quartiers de la Croix-Rousse et la partie nord du 1er arrondissement. Membre de la Société littéraire et de la Commission municipale du Vieux-Lyon, Joseph Pointet fut, de l'avis de ses contemporains, l'un de ceux qui a le mieux connu le passé de la Ville de Lyon. Son travail reste cependant inachevé. Il aurait du être poursuivi avec les quartiers de la presqu'île jusqu'à l'abbaye Saint-Martin-d'Ainay et ceux du 5e arrondissement compris dans l'enceinte des fortifications de Fourvière, volumes qui sont pour leur part restés à l'état de notes consultables aujourd'hui au Musée Gadagne ainsi qu'aux Archives municipales de Lyon qui en possèdent une copie depuis les années 1960-70.
Fort heureusement, le 3e volume de ce vaste recensement intéresse plus particulièrement votre sujet d'étude (voir la liste de noms cités à la fin du volume 4 aux entrées "Yon, Jean" et "Yon, château"). Il comprend l'historique des maisons et propriétés de la partie nord du 1er arrondissement entre le boulevard de la Croix-Rousse et les rues de la Vieille, Bouteille, du Sergent-Blandan, Vieille-Monnaie et Victor-Arnaud, actuelles rue René-Leynaud et d'Alsace-Lorraine. Délimitée géographiquement, cette étude s'arrête donc aux anciennes portes de la ville : porte de la Roche sur Saône, porte Saint-Vincent au bas de la côte des Carmélites, porte Saint-Marcel au bas de la Grande-Côte et à la place Croix-Paquet en avant de la porte du Griffon.
D'après l'intéressante introduction à l'ouvrage de Pointet, les premiers documents historiques sur les maisons de cette partie nord du 1er arrondissement - ceux du moins qui ont été conservés - ont été rédigés au XIVe siècle. Ce quartier reste peu peuplé à cette époque, mais la situation change dès que les fortifications de la ville sont reportées vers le haut de la colline au début du XVIe siècle. Sur le Plan scénographique de 1550, "nous voyons combien peu de maisons sont bâties, à l'exception de celles de la Grande-Côte, de la rue Bouteille et de la rue Vieille-Monnaie. Mais le temps est déjà venu où la prospérité de la ville attire de riches étrangers, tels que les florentins Baglioni, Capponi, Orlandini, Spina, le milanais Mucio, les gênois Ferrari, Spinassi, le grison Pellissari, les savoyards ou piémontais Gabiano, Nariz, les allemands Héberlin, Cléberger, Neytar, etc. Sensibles à la beauté du paysage, ils se construisent des maisons de campagne sur les pentes de la colline. Puis, après les guerres de religion, les couvents et monastères leur succèdent et se multiplient durant tout le dix-septième siècle : les Chartreux s'établissent en 1584 ; viennent ensuite en 1616 les Carmélites sur la côte Saint-Vincent et les Pères de l'Oratoire entre la Grande-Côte et la Côte Saint-Sébastien ; en 1624, les Annonciades Célestes ; en 1640, les Dames de la Visitation de Sainte-Marie-des-Chaînes ; en 1641, les Bernardines ; en 1657, les Annonciades de Saint-Amour ; en 1658, les dames de St-Benoit ; en 1666, les Colinettes ou dames de Sainte-Elisabeth. En 1670, le Séminaire de Saint-Irénée s'installe à la Croix-Paquet et, en 1675, la Communauté du Bon Pasteur en haut de la Grande-Côte. Avec le couvent des Dames de la Déserte et les recluseries de Saint-Sébastien et de Saint-Clair, plus des trois quarts des terrains représentés par les propriétés étudiées dans cet historique appartenaient en 1791 à des associations religieuses. A part quelques îlots de moindre importance et les maisons bâties sur la Grande-Côte, les rues Bouteille et Vieille-Monnaie, les possessions des particuliers en 1791 se bornaient aux terrains situés au nord de la rue des Chartreux, du Jardin des Plantes et à l'ouest de la Grande-Côte. [...] La Révolution, brutalement, dispersa moines et religieuses et les acquéreurs des biens nationaux attaquèrent même les bâtiments (Carmélites, Chartreux)." (chapitre préliminaire, p.5-6).
Le chapitre V de ce 3e volume concerne plus particulièrement les Chartreux dont le monastère occupera un espace considérable entre les remparts au Nord, la Saône au midi, les Visitandines à l'Ouest, les Carmélites et les dames de Saint-Benoit à l'est. Le domaine avait progressivement été agrandi par l'acquisition d'une succession de tenements (cf. liste p.91) parmi lesquels figure notamment le Château d'Yon, ancienne propriété de Jean Yon, bourgeois et ex-consul de la Ville de Lyon, achetée par les Chartreux pour la somme de 13.000 livres en 1653. Le tènement du Château d'Yon est en effet représenté de nos jours par la maison mère des Religieuses de Saint-Joseph, à l'angle de la rue des Chartreux et de la rue Pierre-Dupont, y compris les bâtiments autour de la grande cour et jardin au sud (cf. vol.3, p.162-166).
La Révolution vint disperser les tènements. On commença la vente des biens, devenus Biens nationaux. Pointet signale cependant qu'il n'a pu retrouver les brefs de vente, mais seulement l'expertise de la "Maison jaune" ou Château d'Yon, faite le 8 décembre 1790. Ce bref décrit assez précisément la demeure bourgeoise :
Rue des Chartreux, 65, confiné, à l'orient, par maison et jardin Bachelu ; au nord, par le chemin tendant des Carmélites à l'église des Chartreux qui, en cette partie, forme un angle obtus ; à l'occident, par la cour d'entrée qui est au devant de l'église, et, au midi, par partie de bâtiment, grange et cour de la communauté des Chartreux.
La maison contient, en superficie, 3.232 pieds 6 pouces carrés, mesure du Roy, y compris le produit des deux pavillons carrés dont elle est flanquée par côté et celui d'une gallerie ; composée, en élévation, d'un rez-de-chaussée sur caves voûtées, élevé de 3 pieds au-dessus de terre, avec caves voûtées au-dessous, d'un premier et deuxième étages avec grenier dans chacun des combles du pavillon ; le rez-de-chaussée est percé de 4 fenêtres et de 2 portes sur la face principale, qui a 57 pieds de largeur.
Le jardin a environ 4 bicherées, clos de murs, celui du côté d'orient est à hauteur d'appui. Dans ce jardin sont deux puits et une boutasse, le long des murs de septentrion, du côté de midi, dans laquelle s'écoulent les eaux provenantes des cours et écuries de la maison conventuelle.
Maison louée 668 livres, le jardin 250 livres. (Pointet, vol. 3, p.241).
Nous n'avons pas trouvé d'autres documents mentionnant ce château, notamment en ce qui concerne l'époque moderne, nous doutons même qu'il en existe quelque part une quelconque représentation (gravure ou dessin).