Combien y a-t-il de pays dans le monde et combien sont régis par des démocraties ?
Question d'origine :
combien y a-t-il de pays dans le monde, et combien sont-ils régis par des vraies démocraties (et non des démocraties de façade)
Y a-t-il des complots entre pays non-démocratiques pour empêcher la démocratie de s'étendre et saboter la construction européenne ?
Réponse du Guichet
197 pays sont officiellements reconnus par l'organisation des Nations Unies. La mesure de la notion de démocratie comme vous pourrez le lire ci-dessous n'est pas évidente et varie en fonction de celui ou de celle qui la réalise.
Bonjour,
La liste officielle reconnue par l'Organisation des Nations Unies fait état de 197 Etats mais divers sites dont
zmescience.com indiquent que l'on peut compter 203 pays si l'on intègre les pays partiellement reconnus et 209 si l'on ajoute les États sécessionnistes non reconnus par les Nations unies ou les" micronations" autoproclamées, lesquelles ne sont pas considérée par les experts en relations internationales comme de véritables pays.
Votre deuxième question est plus ardue tant la notion de " vraie démocratie" voire de démocratie tout court est subjective. D'ailleurs, Julien Damon dans, «Classements et déclassements de la démocratie dans le monde», (Constructif, 2022/1, p. 18-24), revient sur cette notion et les classements qui s'y réfèrent :
Divers classements internationaux évaluent et groupent les pays selon les qualités de leur régime politique. Aux méthodes ressemblantes et aux observations convergentes, ces palmarès mondiaux sont produits pour soutenir certains principes et idéaux de la démocratie. Ils en livrent aujourd’hui une vision inquiète.
Tout aujourd’hui se classe, tout s’évalue, tout se hiérarchise. Une certaine frénésie classificatoire se retrouve ainsi dans les établissements scolaires, les entreprises, les services publics. Il s’agit de mesurer des performances, des moyens, des résultats. Réalités concrètes et notions abstraites font l’objet d’investigations et de mesures. La démocratie n’est pas en reste.
L’opération est compliquée, car elle suppose préalablement de bien dire ce qu’est la démocratie. L’exercice est souvent critiqué car, comme le veut une jolie formule, tout ce qui a de la valeur ne se mesure pas forcément et, réciproquement, tout ce qui se mesure n’a pas forcément de valeur. Enfin, la démarche est souvent contestée car, avant de refléter réellement l’état de la démocratie, ces expertises traduiraient principalement les idéologies des institutions qui mènent les enquêtes.
(…)
Il n’y a certainement pas de consensus sur la façon de mesurer la démocratie. Les définitions de la démocratie sont contrastées. Il existe bien des débats animés à ce sujet. Souvent la démocratie est traitée comme un quasi-synonyme de liberté, au moins comme un régime dont le trait principal procède du respect des libertés.
(…)
Du rapport consacré à 2020, il ressort, sur 195 pays, 43% de «libres», 32% de «partiellement libres» et 25% de «non libres». Si on ne prend plus en compte les pays mais les populations, alors, sur près de 8 milliards de personnes, 39% sont libres, 25% sont partiellement libres et 36% ne sont pas libres.
Souvent, dans les commentaires et les expertises s’appuyant sur ces données, la liberté, ainsi mesurée, devient la démocratie, ainsi désignée.
(…)
L’hebdomadaire libéral britannique réalise, depuis 2006, un état de la démocratie dans le monde. Le travail repose sur le calcul d’un «indice de démocratie», fournissant donc un état et un comparatif de la démocratie, pour 167 pays. Le champ géopolitique couvre la quasi-totalité de la population mondiale et la grande majorité des États du monde (les micro-États sont exclus). Concrètement, l’indice de démocratie repose sur cinq catégories: 1. processus électoral et pluralisme; 2. fonctionnement des pouvoirs publics; 3. participation politique; 4. culture politique; 5. libertés civiques.
(…)
Selon cette approche, en 2020, 75 des 167 pays couverts, soit 45% du total, sont considérés comme des démocraties (à part entière ou imparfaites). Toujours selon cette méthode, seulement environ la moitié (49%) de la population mondiale vit dans une démocratie, et encore moins (8%) dans une démocratie à part entière. Plus d’un tiers (36%) de la population mondiale vit sous un régime autoritaire, dont une grande partie en Chine.
Parmi les régimes hybrides, la Turquie figure, en 2020, au 104e rang, entre la Gambie et le Pakistan.
Parmi les pays autoritaires, la Russie se trouve au 124e rang, classée entre l’Éthiopie et le Niger. La Chine est 151e, tout juste devant l’Iran.
Relevons, également, les scores extrêmement contrastés des nations du continent européen : la Norvège, en tête de classement, obtient une note de 9,81 sur 10, tandis que la Russie a une note de 3,31, la Hongrie de 6,56 et la Pologne de 6,85.
Soulignons, enfin, que la France, depuis 2006, est passée de 8,07 à 7,99 en 2020, basculant, selon les années, entre les deux catégories de «démocratie à part entière» et «démocratie imparfaite», la barrière se situant à 8.
Vous trouverez l'ensemble des rapports dont celui de 2021 sur le site Economist intelligence unit.
Dans Les Echos du 6 décembre 2022, Hayat Gazzan, consacre un article "Entre guerre, populisme et autoritarisme, les démocraties en péril" à ce propos, consultable en ligne par les abonné·es de la BML via Europresse :
Selon le think tank Idea, la moitié des démocraties dans le monde sont en déclin, plombées par des crises sanitaires, géopolitiques ou économiques. Les manifestations en Chine et en Iran éclairent d'un fragile espoir cette sombre année 2022. Mais le constat est globalement inquiétant.
Des institutions démocratiques attaquées, des libertés civiles menacées, des élections contestées... Ces symptômes d'une démocratie malade ne cessent de se répandre à travers le monde, selon le constat alarmant dressé par le think tank Idea (Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale). Dans son dernier rapport annuel, ce dernier assure que la moitié des démocraties sont en déclin en 2022.
Certes, certains signaux encourageants pour la défense des droits et libertés ont émergé cette année. En Chine, la colère et la frustration à l'égard de la politique « zéro Covid » de Pékin ont donné lieu à une mobilisation d'une ampleur inédite depuis des décennies pour réclamer la fin des restrictions et davantage de libertés.
Et en Iran, la mort, en septembre dernier, de la jeune Mahsa Amini, après son arrestation par la police des mœurs, a déclenché des mouvements de contestations d'une ampleur rare contre le pouvoir en place. Des manifestations toutefois durement réprimées, mais qui montrent les fortes aspirations d'une partie de la population « pour des sociétés nouvelles et plus ouvertes, ainsi qu'un leadership plus responsable », indiquent les auteurs de l'étude.
Sur le continent africain aussi, les choses bougent : « L'action citoyenne dans plusieurs pays a créé des opportunités pour renégocier le contrat social », souligne le think tank. Des pays comme la Gambie, le Niger et la Zambie sont salués pour l' « amélioration de leur qualité démocratique ».
Une « myriade de problèmes »
Mais à côté de ces exemples, le tableau global est inquiétant. Déjà, entre 2016 et 2021, le nombre de pays évoluant vers des régimes autoritaires était plus du double du nombre de pays évoluant vers la démocratie, rappellent les auteurs du rapport. « Au cours de cette période, 27 pays ont connu une dégradation de leur classification de régime, tandis que 13 seulement se sont améliorés », notent-ils. Le monde a également perdu deux démocraties l'an dernier : le Myanmar et la Tunisie.
L'année 2022 et ses multiples crises ont incontestablement aggravé la situation.
(...)
Un autoritarisme qui se renforce
C'est dans ces maux que se trouvent les racines du mal. Elles s'illustrent par une poussée du populisme, notamment sur le continent européen. L'arrivée de Giorgia Meloni à la tête de l'Italie en est l'un des plus récents exemples. La leader du parti Fratelli d'Italia, formation post-fasciste qu'elle a fondée en 2013, a bâti son succès sur un programme prônant un patriotisme économique exacerbé, rejetant la « mentalité de l'assistanat » et les politiques migratoires européennes.
« Les forces d'extrême droite remettent en question certains principes démocratiques clés. En général, ces partis promettent une renégociation du contrat social en des termes discriminatoires, régressifs et souvent irréalistes », déchiffre le think tank. Dans ce contexte de crise, les régimes autoritaires prospèrent. C'est particulièrement le cas en Afghanistan, en Biélorussie, au Cambodge, aux Comores et au Nicaragua.
Dans ces pays, ce sont les processus électoraux qui sont attaqués, « ce qui suggère que même le maintien de la façade des élections est une lutte », déplorent les auteurs. Le Moyen-Orient continue, lui, d'être « la région la plus autoritaire au monde », avec seulement trois démocraties : l'Irak, Israël et le Liban.
Le recul de la démocratie américaine
Parmi les 173 pays étudiés, sept connaissaient une grave érosion démocratique. La liste inclut le Brésil, le Salvador, la Hongrie, la Pologne, l'Inde, Maurice mais aussi les Etats-Unis. Outre-Atlantique, « les menaces contre la démocratie persistent après la présidence Trump, illustrées par la polarisation et le recul de droits établis de longue date, comme l'annulation de Roe v. Wade sur le droit à l'avortement », souligne le rapport.
Pour les auteurs de l'étude, la priorité doit être accordée à la mise en œuvre de politiques qui « réduisent la corruption et rétablissent la confiance du public », pour rénover les contrats sociaux. Selon eux, « notre capacité collective à nous rassembler, localement et internationalement, pour poursuivre la conception citoyenne de ces contrats déterminera le sort de la démocratie dans les années à venir ».
Enfin, concernant votre dernière question, l'Union européenne a récemment mis en ligne un rapport sur l'ingérence étrangère dans l'ensemble des processus démocratiques de l'Union européenne y compris la désinformation.
Pour approfondir le sujet, nous vous conseillons les lectures suivantes :
PERRINEAU Pascal, «Les populismes contre la démocratie», Constructif, 2022/1 (N° 61), p. 29-32.
BRUCKNER Pascal, «Les communautarismes à l’assaut de la démocratie», Constructif, 2022/1 (N° 61), p. 33-36.
La démocratie, une idée force / sous la direction de Dominique Rousseau et Sandra Laugier, 2023: "Contributions de juristes, philosophes et politiques sur la démocratie qui passent en revue ses conditions, ses formes ou encore son avenir face à la montée des populismes. Les auteurs combinent approche normative, exploratoire et critique du sujet".
L'antipopulisme ou La nouvelle haine de la démocratie / Antoine Chollet, 2023: "devenant à la genèse du discours antipopuliste, qui a dévoyé le populisme de sa vocation première, défendre le pouvoir du peuple contre sa captation par les élites, le philosophe démontre que sous prétexte de dénoncer les excès de la démocratie, c'est cette dernière qu'il vise. Il éclaire les conséquences : érosion de la souveraineté populaire, recul des libertés et creusement des inégalités".
Cinquante nuances de dictature : tentations et emprises autoritaires en France et ailleursCinquante nuances de dictature : tentations et emprises autoritaires en France et ailleurs / Renée Fregosi, 2023: Une exploration érudite et critique des régimes dictatoriaux du XXIe siècle, entre démocratures, proto-totalitarismes, régimes islamistes, Etats communistes, autocraties et juntes militaires. L'auteure interroge le devenir de la démocratie dans ce contexte et les moyens de résister aux gouvernements autoritaires