Quelle est l'hisoire du régiment hollando-belge de 1815 à Waterloo ?
Question d'origine :
Bonsoir,
Dans son ouvrage classique " 1815 Waterloo", H. HOUSSAYE signale en page 8 qu'un régiment hollando-belge a été mis sur pied par l'armée française. Il regroupait des soldats ayant volontairement déserté l'armée du Prince d'Orange et comptait début juin 1815 un total de 378 soldats.
Vous est-il possible de m'en dire plus sur ce régiment et notamment à quel endroit (archives ou livres) pourrais-je trouver la liste nominative des 378 militaires ?
Je vous remercie déjà de ce que vous pourrez trouver sur cette unité bien discrète.
Réponse du Guichet
Hélas, nous avons pu recueillir que de maigres informations au sujet de ces 378 militaires hollando-belges... Nous vous recommandons toutefois de jeter un oeil à la série AF IV des Archives Nationales ainsi qu'aux sous-séries GR C et GR 21 YC des archives du Ministère des armées au château de Vincennes.
Bonjour,
Pour répondre à votre question, il convient de revenir brièvement en arrière sur la constitution des armées napoléoniennes avant la bataille de Waterloo. En effet, la Grande Armée de Napoléon avait pour habitude de recruter des soldats des pays alliés ou soumis suite aux défaites pour en renforcer sa puissance et favoriser la conquête. Par conséquent, les unités étrangères au sein de la Grande Armée ne sont pas rares et on compte parmi les Français également un bon nombre d’Allemands, Polonais et Hollandais notamment lors de la campagne de 1806-1807 par exemple.
En 1810 Napoléon considéra que son frère, Louis Bonaparte qui fut roi de Hollande depuis 1806, n’était qu’un souverain trop peu engagé surtout après l’invasion anglaise de l’île zélandaise de Walcheren qui fut repoussée par les armées françaises et hollandaises. Dès lors, l’Empire annexa les Pays-Bas en juillet 1810. De cette décision découle une conséquence notable sur la constitution des armées napoléoniennes puisque les Hollandais en font maintenant partie et servent pour la France.
Le parfait exemple de cette situation est le cas de l’officier Jean-Baptiste Van Merlen (1772-1815) qui est fait colonel au deuxième régiment de chevaux-légers de la Garde impériale. Il servira la Grande Armée jusqu’en 1814 en participant à la guerre d’indépendance d’Espagne mais aussi à la campagne d’Allemagne ainsi qu’aux débuts de la campagne de France.
L’autre modèle de ces grands officiers néerlandais qui s’engagent pour la France est celui du baron David Hendrick Chassé (1765-1849) qui sauva le corps d’armée du comte d’Erlon lors de la bataille du col de Maya. Pour ce fait d’armes, il gagnera la Légion d’honneur mais sera également reconnu comme baron d’Empire par Napoléon en 1811.
Les campagnes de Russie et d’Allemagne qui sont un désastre pour la France vont changer la donne : les Prussiens et les Autrichiens déclarent la guerre à la France et désertent alors l’armée française. De même, lors de la bataille de Leipzig, les Saxons et Bavarois se rendent compte de la supériorité numérique des alliés et décident à leur tour de changer de camp. Les seuls à rester fidèles à l’Empereur sont les Polonais qui restent à ses côtés jusqu’à qu’il soit déchu en 1814. D’ailleurs, le colonel Van Merlen tout comme le baron Chassé rejoignent alors l’armée hollando-belge récemment formée par le tout jeune roi Guillaume d’Orange qui a repris les Pays-Bas après la chute de Napoléon. Dès lors, ils serviront tous deux non pas pour la France mais contre la France pendant la bataille de Waterloo. Le colonel Van Merlen meurt sur le champ de bataille en 1815 à Waterloo alors que son frère se bat sur ce même champ de bataille mais pour le compte de l'armée française et Napoléon...
Avec la Restauration, la plupart des régiments étrangers furent licenciés de l’armée française et renvoyés dans leur patrie à l’exception de quelques régiments dont quatre régiments suisses qui restèrent au service du frère du roi, le colonel et comte d’Artois. Ils formèrent alors la compagnie des Cent-Suisses. Avec eux, un régiment « colonial étranger » fut créé en décembre 1814. Il comprit alors les Espagnols et Portugais qui étaient autrefois sous l’égide d’un des frères Bonaparte et qui donc ne pouvaient ou voulaient rentrer dans leur patrie.
Toutefois, l’historien Eugène Fieffé a tenu dans ses recherches à mettre l’importance sur la fidélité des soldats envers Napoléon et sa conséquence sur la constitution des armées napoléoniennes. Il dit ainsi :
"Napoléon est le dernier souverain en faveur duquel se soit produite cette double manifestation ; il est le dernier à qui ses soldats aient tenu à donner un témoignage de leur fidélité en se faisant les compagnons de son infortune ; il est le dernier dont un peuple entier ait librement et spontanément salué le retour."
Ainsi, exilé sur l’île d’Elbe, l'Empereur est suivi par certains de ses soldats étrangers. De même, lorsqu’il en revient, il possède déjà la confiance de nombreux soldats Polonais, Piémontais mais aussi Belges soit environ 200 hommes d’infanterie. A ce propos, le général Hector Jean Couvreur rapporte les propos du lieutenant-colonel André Bikar, ancien chef des forces armées belges : les Belges ne sont pas rares à avoir gardé fidélité envers l’Empereur.
Néanmoins, Napoléon rencontre des difficultés dans l’organisation des régiments étrangers. Il comprend qu’il doit garder la spécificité de chaque régiment par corps étranger pour apaiser les tensions et les relier à sa cause : chacun combattent pour la France mais aux couleurs de leur pays. En ce sens, il crée alors 8 régiments étrangers en mai 1815. Parmi eux, le 5ème régiment qui fut un régiment belge organisé à Amiens et qui combatta alors en bleu. Au départ, cette entreprise n’eût pas le succès escompté auprès des néerlandais. Car, les Belges, comme cités par l’historien Henry Houssaye, ne voulaient pas être vus comme des « déserteurs ». Ils voulaient rejoindre leurs anciens corps d’armée soit des corps d’armée français, ce que Napoléon leur accorda.
C'est pourquoi, le général Couvreur estime autour de 300 officiers français natifs belges dans l’armée française en 1815 soit 21 % de Flamands, 10 % de Bruxellois et 69 % de Wallons selon sa liste. Statistiques qui semblent rejoindre celles de Houssaye dans l’ouvrage que vous nous avez cité.
Il n’existe aucun document officiel pouvant alors témoigner de vrais chiffres quant à la part exacte des Belges qui ont combattu pour la France et Napoléon en 1815. Pour se faire, il faudrait éplucher les documents administratifs des différents régiments conservés dans les archives du château de Vincennes soit une tâche énorme à laquelle jusqu’à aujourd’hui aucun historien ne semble s’être attelé.
Cependant, le lieutenant-colonel Bikar atteste d'une tradition orale selon laquelle les Wallons auraient été nombreux à servir l’Empereur lors de la bataille de Waterloo, fait corrélé par le traitement de la mémoire de l’événement par les générations wallonnes : témoignages, commémorations et monuments en faveur des Wallons comme notamment l’Aigle blessé.
Ce sont les seules informations que nous avons pu regrouper au sujet de ce régiment hollando-belge. Concernant la liste nominative du régiment, nous doutons de son existence propre. Il est cependant probable d’en trouver une trace ou une mention aux Archives Nationales dans la série AF IV dont sont issues la plupart des sources de l’historien Henry Houssaye.
De même, il est probable que le régiment soit mentionné parmi les documents administratifs se trouvant aux archives du château de Vincennes. Autre possibilité mais un travail fastidieux : trouver des informations dans les registres d’administration de guerre. Il s’agit de la sous série GR C. Pareillement, un travail pourrait être réalisé sur les registres de matricules : la sous-série concernée est la GR 21 YC.
Comme lectures nous vous recommandons :
- DAMMAME Jean-Claude, La bataille de Waterloo, Perrin, 1999.
- GERARD Jo, Les Grandes heures de la Belgique, Perrin, 1990.
- COUVREUR Hector, Le drame belge de Waterloo, Brepols, 1959.
- FIEFFE Eugène, Histoire des troupes étrangères au service de la France, depuis leur origine jusqu'à nos jours : et de tous les régiments levés dans les pays conquis sous la première République et l'Empire, Librairie Dumaine, 1854.
En vous souhaitant d'heureuses recherches !