Les cigarettes industrielles sont-elles moins nocives que les roulées ?
Question d'origine :
Bonjour,
Une cigarette est-elle plus nocive lorsque l'on fume à jeun? Est-it vrai que les cigarettes industrielles sont (largement) moins nocives que les roulées?
Oui, je sais, le mieux est encore de ne pas fumer...
Bon week-end,
Road66
Réponse du Guichet
Selon plusieurs études, la nocivité d'une cigarette roulée est plus forte que celle d'une cigarette industrielle. "Fumer une cigarette de tabac à rouler conduit à inhaler trois à six fois plus de nicotine, de monoxyde de carbone (CO) et de goudrons que fumer une cigarette manufacturée classique" (CNCT). Il est également peu recommandé de fumer à jeun car cela provoquerait une acidité de l'estomac. Une étude de1929 rapportait déjà que "cinquante patients souffrant d'un ulcère duodénal ont montré une augmentation de la sécrétion gastrique et de l'acidité s'ils fumaient à jeun ou deux heures après avoir pris un petit déjeuner test."
Bonjour,
Qu'en est-il de la nocivité du tabac ?
Le résumé de l'article en ligne The Less Harmful Cigarette: A Controversial Issue. A Tribute to Ernst L. Wynder / La cigarette la moins nocive : une question controversée. Un hommage à Ernst L. Wynder, de Dietrich Hoffmann, Ilse Hoffmann et Karam El-Bayoumy dans Chemical Research in Toxicology par American Chemical Society en 2001 indique que "la relation dose-réponse entre le nombre de cigarettes fumées et le risque de cancer du poumon a été établie en 1950 par des études épidémiologiques."
The dose−response relationship between number of cigarettes smoked and risk for lung cancer was established in 1950 by epidemiological studies. Laboratory assays with tobacco tar on mouse skin and smoke inhalation experiments with hamsters provided further evidence for this relationship. In cigarette smoke, among 4800 identified compounds, 69 are carcinogens, and several are tumor promoters or cocarcinogens. The major toxic agents are nicotine, carbon monoxide, hydrogen cyanide, nitrogen oxides, some volatile aldehydes, some alkenes, and some aromatic hydrocarbons.
Traduction
Des essais en laboratoire avec du goudron de tabac sur la peau de souris et des expériences d'inhalation de fumée sur des hamsters ont fourni des preuves supplémentaires de cette relation. Dans la fumée de cigarette, parmi 4800 composés identifiés, 69 sont cancérigènes, et plusieurs sont promoteurs de tumeurs ou cocarcinogènes. Les principaux agents toxiques sont la nicotine, le monoxyde de carbone, le cyanure d'hydrogène, les oxydes d'azote, certains aldéhydes volatils, certains alcènes et certains hydrocarbures aromatiques.
A votre question "une roulée est-elle plus toxique qu'une cigarette industrielle ?", voici ce que dit l'étude de Richard Edwards, professeur de santé publique au département de santé publique à l'université d'Otago, Wellington, Nouvelle-Zélande et publiée par Le British Medical Journal (BMJ) en 2014, Roll your own cigarettes are less natural and at least as harmful as factory rolled tobacco :
However, this perception is false. Epidemiological evidence shows that RYO cigarettes are at least as hazardous as any other type of cigarette,5 and animal research suggests increased addictiveness.6
Any notion that loose tobacco is more “natural” is severely undermined by evidence that the concentration of additives is higher in loose tobacco, at about 18% of dry weight, compared with 0.5% for factory made cigarettes (for British American Tobacco products), as calculated using legally mandated data from tobacco companies operating in New Zealand.7
Some of these additives, including sweeteners such as honey, sugar, dextrose, and sorbitol, often at much higher concentrations than in factory made cigarettes, potentially make the product more acceptable to children. The high concentration of other additives would probably surprise RYO cigarette smokers. For example, RYO tobacco in New Zealand is up to 7.5% propylene glycol by dry weight. Among the 139 individual additives listed for loose tobacco are the less than wholesome sounding trans-benzaldehyde, ethyl butyrate, and phenylcarbinol.
Traduction
Les preuves épidémiologiques montrent que les cigarettes RYO sont au moins aussi dangereuses que n'importe quel autre type de cigarette,5 et les recherches sur les animaux suggèrent une augmentation de la toxicité.6
L'idée selon laquelle le tabac en vrac est plus " naturel " est sérieusement mise à mal par les preuves que la concentration d'additifs est plus élevée dans le tabac en vrac, soit environ 18 % du poids sec, contre 0,5 % pour les cigarettes fabriquées en usine (pour les produits British American Tobacco), selon les calculs effectués à partir des données obligatoires des fabricants de tabac opérant en Nouvelle-Zélande7.
Certains de ces additifs, notamment les édulcorants tels que le miel, le sucre, le dextrose et le sorbitol, souvent à des concentrations beaucoup plus élevées que dans les cigarettes fabriquées en usine, rendent potentiellement le produit plus acceptable pour les enfants. La forte concentration d'autres additifs surprendrait probablement les fumeurs de cigarettes RYO. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, le tabac RYO contient jusqu'à 7,5 % de propylène glycol en poids sec. Parmi les 139 additifs individuels répertoriés pour le tabac en vrac, on trouve le trans-benzaldéhyde, le butyrate d'éthyle et le phénylcarbinol, qui sont loin d'être bons pour la santé.
Réponse de Tabac info service à un internaute :
on considère qu'une cigarette manufacturée apporte environ 1 mg de nicotine et qu'une cigarette roulée ou tubée en apporte environ 2 mg.
Dans la pratique, 1 cigarette roulée = 2 cigarettes manufacturées. Cela se vérifie souvent lorsque l'on mesure aussi le monoxyde de carbone expiré. Pour un nombre de cigarettes identique, les fumeurs de roulées ont 2 fois plus de monoxyde de carbone, c'est donc 2 fois plus nocif...
Il peut y avoir des variations en fonction de la façon dont vous "tirez" sur votre cigarette. ainsi, plus on "tire" fort, plus on inhale de substances toxiques contenues dans la cigarette.
Retenez que la fumée de tabac contient près de 4000 substances toxiques.
Source : Equivalence roulées/Industrielles
Tabac info service donne également cette précision :
Pour calculer l'équivalence entre tabac à rouler et cigarettes manufacturées, voici la formule :
poids du paquet divisé par le nombre de jours mis pour le fumer, multiplier le résultat par 2.5 et on trouve la quantité de cigarette/jour.
Si vous fumez votre paquet de 30 g en 4 jours, par exemple cela fait:
30/4 = 7.5 et 7.5 x 2.5 = 18.75 cig/jour
Source : Equivalence tabac à rouler et cigarette industrielles
Voici également la réponse catégorique du CNCT, Comité national contre le tabagisme dans Fumer du tabac à rouler est-il moins nocif ?
NON. Au contraire, fumer du tabac à rouler est estimé entre deux à quatre fois plus nocif pour la santé que fumer des cigarettes industrielles.
Fumer une cigarette de tabac à rouler conduit à inhaler trois à six fois plus de nicotine, de monoxyde de carbone (CO) et de goudrons que fumer une cigarette manufacturée classique. Cette différence résulte de plusieurs facteurs : le papier est souvent plus épais et génère plus de goudrons, le tabac est moins tassé, la température de combustion des cigarettes roulées est plus élevée, les fumeurs ont tendance à prendre des bouffées plus longues et plus profondes, et, enfin, le tabac brûle mal, ce qui amène les fumeurs à rallumer leurs cigarettes qui s’éteignent, avec inhalation à chaque fois de quantités importantes de produits toxiques.
Parallèlement aux risques pour la santé, l’inhalation de quantités importantes de nicotine favorise l’installation rapide de la dépendance et son maintien, en particulier chez les jeunes.
Enfin, rouler une cigarette avec des mains souillées et/ou dans un local dont l’air est pollué, en particulier par une activité industrielle, peut conduire à fumer du tabac contaminé.
L’ajout d’un filtre dans les cigarettes roulées atténue la sensation d’irritation de la gorge provoquée par le « hit » nicotinique, mais n’a guère d’incidence sur les teneurs en nicotine et en goudrons absorbées.
Les promesses commerciales des tabacs à rouler présentés comme plus « naturels », « sans additifs », voire « biologiques », et donc moins dangereux, sont trompeuses : la toxicité de la fumée de tabac est extrême, et peu modifiée par l’ajout d’additifs (arômes, agents de textures et de saveurs). L’objectif est d’amener le consommateur de tabac à penser qu’en roulant lui-même sa cigarette et en choisissant son tabac, il contrôle en partie les risques liés au fait de fumer, ce qui est totalement illusoire puisqu’au contraire, la toxicité du tabac à rouler est supérieure [1].
Bien qu’il ait fortement augmenté ces dernières années, le prix du tabac à rouler reste encore trop avantageux comparé à celui des cigarettes industrielles et ce différentiel explique l’attrait de ces produits de tabac pour les jeunes et les populations les plus précaires, qui sont deux cibles préférentielles de l’industrie du tabac.
Vous pouvez enfin compléter vos lectures avec cet article de Santé magazine, Cigarettes roulées ou classiques : quelles sont les plus nocives ?
A la question une cigarette est-elle plus nocive lorsqu'on est à jeun, Le Figaro Santé est très clair :
Certains moments auxquels on fume sont plus dangereux que d'autres.
L’inhalation de la fumée de tabac provoque une acidité de l’estomac plus importante quand on fume à jeun.
Il peut en résulter une inflammation de la muqueuse de l’estomac (gastrite) et de celle de l’œsophage (œsophagite) avec une augmentation possible du risque de cancer de ces organes.
Commencer à fumer jeune, induit un niveau de dépendance à la nicotine plus élevé et un pourcentage d’arrêt possible du tabac moins élevé.
Un article du magazine Ça m'intéresse, Peut-on fumer avant une prise de sang ? est lui aussi très net :
il est fortement déconseillé de fumer [à jeun], non pas uniquement en raisons des incidences que cela aura sur les résultats de la prise de sang, mais en raisons des répercussions sur la santé du fumeur. En effet, quand le fumeur est à jeun, son estomac est vide, et le tabac va accroître l'acidité de ce dernier. Cela peut déclencher des brûlures d'estomac, des reflux gastriques acides, une inflammation des muqueuses de type gastrite ou œsophagite, voire un risque accru de développer un cancer de l'estomac ou de l'œsophage.
Ceci est confirmé par une étude réalisée en1929 et dont le résumé a été publié par Le Journal américain de chirurgie, Gastric response to tobacco smoking / Réponse gastrique au tabagisme :
Fifty patients with duodenal ulcer showed an increase in gastric secretion and acidity if they smoked on a fasting stomach or two hours after a test breakfast had been given.
Traduction
Cinquante patients souffrant d'un ulcère duodénal ont montré une augmentation de la sécrétion gastrique et de l'acidité s'ils fumaient à jeun ou deux heures après avoir pris un petit déjeuner test.
D'autres précisions sont données par cette étude.
Enfin, voici le résumé d'une étude publiée en 1983 par Le Journal américain du cœur sur les effets du tabagisme sur les triglycérides à jeun, le cholestérol total et le cholestérol HDL chez les femmes, Effects of cigarette smoking on fasting triglyceride, total cholesterol, and HDL-cholesterol in women :
We examined the relationships of cigarette smoking with fasting triglycerides, total cholesterol, and high-density lipoprotein cholesterol (HDL-C) levels among a group of 191 white women aged 20 to 40 years. The mean triglyceride level among current smokers was 100.0 mg/100 ml and among nonsmokers was 68.4 mg/dl (p < 0.005). Mean total cholesterol values among current smokers and nonsmokers were, respectively, 197.0 and 189.1 mg/dl (p < 0.1). Mean HDL-C levels were 45.0 mg/dl among women who were smoking and 52.1 mg/dl among nonsmokers (p < 0.005). Simultaneous adjustments for the effects of age, weight, height, blood glucose, resting pulse, and oral contraceptive use did not materially alter these relationships. A modest portion of the effect of cigarette smoking on risk of coronary heart disease may be explained by an adverse effect of cigarette smoking on blood lipids.
TRADUCTION
Nous avons examiné les relations entre le tabagisme et les taux de triglycérides à jeun, de cholestérol total et de cholestérol à lipoprotéines de haute densité (HDL-C) chez un groupe de 191 femmes blanches âgées de 20 à 40 ans. Le taux moyen de triglycérides chez les fumeurs actuels était de 100,0 mg/100 ml et chez les non-fumeurs était de 68,4 mg/dl ( p < 0,005). Les valeurs moyennes de cholestérol total chez les fumeurs et les non-fumeurs actuels étaient respectivement de 197,0 et 189,1 mg/dl ( p < 0,1). Les taux moyens de HDL-C étaient de 45,0 mg/dl chez les femmes fumeuses et de 52,1 mg/dl chez les non-fumeuses ( p< 0,005). Des ajustements simultanés pour les effets de l'âge, du poids, de la taille, de la glycémie, du pouls au repos et de l'utilisation de contraceptifs oraux n'ont pas sensiblement modifié ces relations. Une partie modeste de l'effet du tabagisme sur le risque de maladie coronarienne peut s'expliquer par un effet indésirable du tabagisme sur les lipides sanguins.
Pour aller plus loin, voici d'autres articles en anglais sur la nocivité du tabac :
Manuel Zumbado, Octavio P. Luzardo, Ángel Rodríguez-Hernández, Luis D. Boada, Luis Alberto Henríquez-Hernández, Differential exposure to 33 toxic elements through cigarette smoking, based on the type of tobacco and rolling paper used : Exposition différentielle à 33 éléments toxiques par le tabagisme, en fonction du type de tabac et de papier à rouler utilisés, Environmental Research, Volume 169, 2019
History of tobacco and health, Nicholas Hubert DE KLERK, Arthur William MUSK, Publication: Respirology, Publisher: John Wiley and Sons, Aug 7, 2003
Bonne journée.