Est-il vrai que les jeunes lisent moins ?
Question d'origine :
Est-il vrai que les jeunes lisent moins ? (Et par lecture, je fais référence à la lecture de livres)
Bien à vous
Réponse du Guichet
Les dernières études sont beaucoup moins pessimistes et montrent que les jeunes lisent encore : 81% des 7-25 ans ont lu en moyenne cinq livres pour leurs loisirs et 76% ont lu deux livres pour l'école et le travail au cours des trois derniers mois.
Bonjour,
Le Centre national du Livre conduit régulièrement des études sur les jeunes et la lecture. La dernière, en date de 2022, montre que les jeunes lisent encore. Ainsi,
81% des 7-25 ans ont lu en moyenne cinq livres pour leurs loisirs et 76% ont lu deux livres pour l'école et le travail au cours des trois derniers mois.
L'étude montre aussi que
- lorsqu’ils lisent pour leurs loisirs, les jeunes privilégient la BD et le roman.
- Chez les 7-19 ans, les bandes dessinées dépassent désormais les romans, et sur cette tranche d’âge, les BD / mangas / comics sont largement en tête.
- En revanche, chez les 20-25 ans, les romans restent privilégiés, suivis par les mangas et les bandes dessinées.
- Le résumé de l’histoire, la couverture, l’envie de suivre un héros ou un personnage sont les premiers critères de choix d’un livre, tout comme les conseils.
- Ceux qui lisent le font avant tout pour le plaisir, se détendre, s’évader / rêver, (+8 points vs 2016) mais aussi pour s’occuper, en particulier les 7 -19 ans.
- Néanmoins, le décrochage à l’adolescence est bien réel, avec une lecture « loisirs » qui décline chez tous après 12 ans et l’entrée au collège, notamment chez les garçons, où la baisse est beaucoup plus importante que chez les filles.
- Chez tous, la préférence pour d’autres activités est le premier frein à la lecture.
- Les non lecteurs déclarent aussi un manque d’intérêt, tandis que les lecteurs déplorent un manque de temps.
- Le temps consacré à la lecture est bien inférieur à celui passé sur les écrans.
- En moyenne, les jeunes lisent 3h14 par semaine (+13 min. chez les 7-19 ans vs 2016)... Mais ils passent en moyenne 3h50 par jour devant un écran et 2h50 sur Internet.
Et au final, "16 % des jeunes affirment ne « pas trop » aimer ou « détester » lire".
Ces études sont reprises et synthétisées sur les divers sites dont :
Dans Livre Hebdo, Cécila Lacour, Sylvie Fagnart et Fanny Guyomart reprennent le témoignage d'Anne Berland, directrice de l'association lecteur jeunesse, qui relève que les conclusions de l'étude "s'inscrivent en faux contre les discours déclinistes sur la supposée dégringolade du niveau des jeunes et de leur désintérêt pour la culture écrite ».
Par ailleurs, Dans Le Monde du 29 mai 2022, Charles de Laubier consacre un article à ce sujet, «Les jeunes réinventent les usages de la lecture » dans lequel il revient sur les pratiques chez les jeunes et les met en rapport avec les bénéfices générés par l’industrie du Livre :
La prééminence du smartphone chez les « adolécrans » ne les empêche pas de continuer à lire des livres. Les maisons d’édition s’adaptent à leurs nouvelles habitudes de lecture qui se trouvent au croisement de la romance, des mangas, des séries et des romans graphiques.
Les jeunes lisent, mais leurs parents ne le savent pas toujours. Alors que les adultes les croient sacrifiés sur l’autel d’Internet et des smartphones, avec pour unique perspective culturelle leurs écrans, ils ne sont en réalité pas la génération perdue pour la lecture. Au contraire. Et l’industrie du livre en profite, malgré un marché de l’édition à la peine. Les « adolécrans » – néologisme dérivé de l’américain screenagers pour désigner les 13-19 ans hyperconnectés – n’ont ni découvert la lecture lors des confinements de 2020 et 2021 ni parce que celle-ci a été déclarée « grande cause nationale » (jusqu’à l’été prochain) en France.
[…]
Reste à savoir ce qui les attire. Chez les préados et les « jeunes adultes », l'identification aux personnages semble déterminante."
[...]
« Les fictions de l'imaginaire – dystopie, uchronie, fantasy, postapocalyptique – restent globalement majoritaires, adolescents et jeunes adultes continuant à privilégier les logiques d'évasion et d'invention. On note également la vogue actuelle de deux genres plus réalistes : la romance décomplexée, incarnée par After dans le sillage de Cinquante Nuances de Grey , et la sick-lit [genre romanesque dont l'intrigue tourne autour d'une maladie grave] surfant sur le succès de Nos étoiles contraires», analyse Laurent Bazin, maître de conférences à l'Institut d'études culturelles et internationales, auteur de La Littérature Young Adult (Presses universitaires Blaise Pascal, 2012). Bien que publiés de 1997 à 2007, en pleine révolution Internet, les sept romans d' Harry Potter ont été des succès planétaires. Tout comme les best-sellers Twilight , Hunger Games , Divergente ou encore Le Labyrinthe.
Un film romantique tel qu'A travers ma fenêtre, sorti cette année sur Netflix, peut amener son public à la lecture des 460 pages de la saga amoureuse écrite par la Vénézuélienne Ariana Godoy, My Wattpad Love (Hachette, 2017) , dont le film espagnol est issu. « Les médias numériques ne s'inscrivent pas uniquement en opposition à la lecture, et les passerelles entre les deux mondes sont nombreuses, explique Magali Fourmaintraux. Ainsi, 31 % des jeunes choisissent un livre après avoir visionné le support audiovisuel de la même histoire, comme le montre le phénomène de réimpression des livres de Maurice Leblanc à la suite de la série Arsène Lupin, ou encore, la rupture de stock des Illusions perdues de Balzac après le film de Xavier Giannoli. »
Les plates-formes vidéo, avec leurs films et séries, peuvent jouer un rôle de prescripteur auprès des jeunes. Nombre d'adolescents basculent dans la lecture après avoir entendu parler d'un roman sur les réseaux sociaux (TikTok, Snapchat, Instagram…), dont certains ont une section dédiée comme BookTok. Les jeunes communautés d'influence viennent ainsi au secours du marketing de l'édition. « La galaxie “Young Adult” multiplie autant que possible les supports médiatiques, un succès en appelant un autre » , souligne Laurent Bazin.
2021, année record
Et ça peut rapporter gros. Le marché mondial des livres pour enfants et jeunes adultes devrait croître de près de 5 % cette année, à 11,3 milliards de dollars (10,6 milliards d'euros), selon la société d'études The Business Research Company. D'après l'association américaine des bibliothèques, les quatre genres les plus demandés pour les jeunes lecteurs sont « mystères imaginaires », « réalisme magique », « steampunk » (intrigues lors de la première révolution industrielle) et « romans en vers ».
En France, l'univers « ado/préado » de l'édition affiche même des taux de croissance à deux chiffres : selon l'institut GfK, l'ensemble constitué par les BD jeunesse, les mangas, les romans pour les 8-12 ans et les romans pour ados a bondi l'an dernier de 56 % en volume, à plus de 83,6 millions d'exemplaires vendus, et de 51 % en valeur, à plus de 736,1 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le marché des mangas a, quant à lui, tout simplement doublé, dont la catégorie japonaise des shonen (« garçons »). En 2021, le volet inaugural du manga shonen Naruto – sorti en 2003 aux éditions Kana – arrive en deuxième position en volume, juste derrière Astérix et le griffon (Albert René, 2021).
Du côté des libraires, l'année 2021 enregistre un record des ventes de livres en hausse de 15 % sur un an, grâce à une embellie « post-Covid » tirée par les jeunes lecteurs. « A part le scolaire (- 41 %), tous les rayons ont été en progression l'an dernier, la jeunesse affichant + 15 % et la bande dessinée + 35 % », indique Pauline Hamet, chargée de mission au Syndicat de la librairie française. Le premier trimestre 2022, lui, a été moins dynamique « à l'exception du rayon “polar, fantasy, science-fiction”, qui bénéficie de la sortie du dernier roman policier de l'écrivain suisse Joël Dicker, L'Affaire Alaska Sanders (Rosie & Wolfe), paru en mars 2022 » .
D'après un sondage Odoxa pour le Syndicat national de l'édition, en pleine pandémie, « ce sont les plus jeunes (les moins de 25 ans) qui se sont mis à lire le plus pendant les deux périodes de confinement » . L'édition jeunesse a ainsi été l'un des rares segments à croître, consolidant sa quatrième position en valeur après la littérature, le scolaire et les sciences humaines. L'édition jeunesse française (hors scolaire et BD) ne cesse de progresser depuis 2017 : 355 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020, soit une hausse de 1,1 % en un an, contre 348,4 millions en 2018 et 340 millions en 2017.
La BD, elle, a tiré son épingle du jeu avec une croissance des ventes de 6,3 % sur un an, à 327 millions d'euros en 2020. D'ailleurs, le marché du livre de poche, près de 370 millions d'euros, est en recul, sauf dans deux segments : la jeunesse et la bande dessinée. « La croissance de la maison d'édition Quelle Histoire n'a absolument pas ralenti en 2020 et 2021 ; nous avons connu lors des confinements des performances de 30 % supérieures au marché du livre » , se félicite Emmanuel Mounier, président fondateur d'Unique Heritage Media (Quelle Histoire , Willy Wild…) et des magazines ( Abricot, Picsou Magazine …).
La nouveauté « webtoons »
Même satisfecit chez Bayard : « Nous sommes le premier éditeur sur le marché de la BD jeunesse, avec près de 6 millions d'exemplaires vendus en 2021, et sur celui du livre documentaire jeunesse également, avec près de 2 millions d'exemplaires vendus » , rapporte Pascal Ruffenach, président du directoire de Bayard Presse, la maison mère.
Les jeunes lecteurs poussent les éditeurs à s'adapter. Ces derniers prennent conscience qu'il faut aller les « chercher sur leur terrain pour leur permettre de lire comme ils veulent quand ils veulent, et d'avoir une attitude décomplexée par rapport à la lecture », comme le conseille le CNL). La presque centenaire maison d'édition new-yorkaise Simon & Schuster s'est trouvée toute ragaillardie après la success story d' After dès 2014 (plus de 12 millions d'exemplaires vendus), dont la nouvelle version graphique vient, cette fois, d'être éditée par la maison Frayed Pages × Wattpad Books, société commune à l'autrice, Anna Todd, et à la filiale Wattpad Webtoon Studios, du groupe sud-coréen Naver.
Bonne journée.
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