Quelles sont les conséquences des grandes découvertes du XV et XVI siècles ?
Question d'origine :
Quels sont les conséquences des grandes découverte du XV et XVI siècles ?
merci pour votre réponses.
Réponse du Guichet
Les conséquences des Grandes découvertes sont considérables : politique, économique, sociale, religieuse, intellectuelle et technique.
Bonjour,
Nous avons fréquemment été sollicitées sur les grandes découvertes et vous invitons à parcourir nos réponses :
Colomb et grandes découvertes
Christophe Colomb, sa découverte et ses conséquences
L’humanisme
Avant toute chose, nous mentionnerons l’article de l’Encylopedia Universalis pour définir ce que sont les « grandes découvertes » :
L'expression désigne généralement les grandes découvertes maritimes effectuées au xve et au xvie siècle. Mais les grands découvreurs ont eu des précurseurs dès l'Antiquité, puis ils ont eu des émules, aux xviie, xviiie et xixe siècles : les explorateurs. Il ne faut négliger ni les uns ni les autres dans une étude d'ensemble. La grande question est de savoir pourquoi et comment, à la fin du Moyen Âge, le mouvement de reconnaissance des Européens à travers le monde s'est rapidement accéléré.
Ici les différents facteurs de l'évolution historique doivent être pris en considération. Il n'est pas question de donner la priorité à l'un ou l'autre de ces facteurs selon une problématique simpliste et pourtant fréquente même chez des esprits avertis. Chaque facteur joue un rôle qui lui est propre. Sur le plan économique, c'est à la fois l'ambition d'une bourgeoisie arrivée à maturité, le besoin qu'elle a de débouchés pour ses capitaux et ses marchandises et le besoin de terres nouvelles pour une société aristocratique, maintenant à l'étroit en Europe. Sur le plan religieux, c'est, en même temps, l'idée de la croisade défensive, le souci de retrouver les frères chrétiens qui vivent au-delà de l'empire des infidèles, enfin le sens missionnaire de l'Église de nouveau en éveil. Sur le plan intellectuel, c'est la révolution technique et scientifique du xve siècle avec l'idée de la rotondité de la terre reprise de Ptolémée, avec l'usage de la boussole et le calcul de la latitude en pleine mer à toute époque de l'année grâce à l'astrolabe, ou à des instruments analogues, et aux tables de déclinaison ; c'est aussi le progrès de la construction navale, avec la caravelle, la nef améliorée, et bientôt le galion. Sur le plan politique enfin, c'est la fin de la Reconquista contre les Arabes dans la péninsule Ibérique, la fin de la guerre de Cent Ans, au nord des Pyrénées, et la naissance de la vocation maritime de l'Angleterre, expulsée du Continent. C'est en même temps la naissance d'un empire hispano-portugais en Europe, préparant celui qui va se créer hors d'Europe.
Les Portugais ont été les premiers à se lancer sur la route des Indes orientales. Le cap de Bonne-Espérance franchi, il a suffi de quelques années pour bâtir un immense empire maritime dans l'océan Indien. Sur la route des Indes orientales, dans sa partie atlantique où l'on doit utiliser les alizés, qui poussent les navires vers l'ouest, pour gagner le cap de Bonne-Espérance, les Portugais rencontrent le Brésil (1500), que leur a donné à l'avance le traité de Tordesillas (1494). Mais, déjà, les Espagnols explorent la mer des Antilles. Bientôt, ils créeront deux empires à partir de cette « Méditerranée américaine » : celui de Mexico, celui du Pérou, avec des centres de gravité assez proches l'un de l'autre, mais formant des zones d'expansion démesurée.
(...)
Et les conséquences des grandes découvertes ont été aussi immenses et complexes que les facteurs qui les ont déclenchées.
Cet article s’intéresse aux conséquences de ces découvertes :
Il s'agit d'abord du champ des connaissances : progrès de la cosmographie (rotondité de la Terre ; découverte de nouveaux astres), de la climatologie (mécanisme des alizés et des moussons), de l'océanographie, de la botanique et de la zoologie, de la cartographie et de la géographie, de l'ethnologie ; connaissance de nouvelles civilisations, reconnaissance d'une certaine équivalence entre elles ; l'idée d'une certaine relativité de nos croyances.
Il peut y avoir là les racines d'une crise religieuse. Par contre, si les puissances musulmanes sont peu touchées, l'Église a trouvé de nouveaux champs, immenses, d'expansion. La chrétienté universelle ne se confond plus avec l'Europe. Enfin l'Église doit résoudre les nouveaux problèmes moraux posés par les transformations sociales : élévation du niveau de vie du fait de la consommation généralisée du sucre de canne et des épices et, plus tard, du tabac et de la pomme de terre ; développement prodigieux de la classe des grands négociants et armateurs, recrudescence de l'esclavage.
Les transformations sociales dépendent étroitement des conséquences économiques de l'expansion. L'exploitation des mines du Mexique et du Pérou faisant suite à la déviation vers Lisbonne par les Portugais de l'or africain de Mina, or qui, jadis, passait par le Sahara et alimentait le commerce des Barbaresques, provoque un afflux de métaux précieux sur les marchés espagnols et portugais, puis européens.
La hausse des prix européens qui en découle, sensible jusque vers 1640, bouleverse les fortunes et la structure de l'économie. Les profits s'accroissent. Les salaires réels tendent à baisser. La possession des terres perd de son importance dans la composition des fortunes. L'augmentation de la richesse mobilière, conséquence du commerce, active la vie économique. De nouvelles formes de paiement et, par suite, de crédit se développent : lettre de change, billet à ordre, rentes, titres d'État. De nouvelles industries se créent : les commerçants font travailler des centaines d'artisans pour leur compte, leur fournissant la matière première et les débouchés et leur demandant seulement du travail : c'est le capitalisme commercial où la gestion et les profits de la production sont entre les mains des commerçants. Et comme la fortune terrienne occupe maintenant le second rang, c'est la monnaie que l'on recherche d'abord, nécessaire aux grandes entreprises, terrestres ou maritimes, à la guerre aussi, instrument de la puissance de l'État dans le monde.
Enfin, et surtout, les grandes découvertes ont bouleversé les routes commerciales. En Asie d'abord, où les Portugais s'emparent de la vie maritime et vont obliger les peuples jaunes à développer leurs échanges vers l'intérieur des continents : ainsi l'Indochine, que la vie maritime mettait sous l'influence de l'Inde, va être livrée à l'influence de la puissance continentale chinoise. En Europe surtout, où l'Atlantique acquiert l'importance qu'avait jusqu'alors la Méditerranée, et où des ports, tels que Venise et Gênes, sont appelés à perdre leur primauté, non sans un long délai d'ailleurs (après 1530 Venise s'industrialise et retrouve une certaine prospérité). Les flottes, qui accostent une fois l'an en Europe, font de Séville et Lisbonne les centres de redistribution des produits coloniaux. Les commerces triangulaires s'établissent : par exemple, quincaillerie et tissus embarqués au Portugal sont échangés contre les esclaves de l'Angola, que remplaceront sur les côtes du Brésil les caisses de sucre à destination de l'Europe.
Et les États riverains de l'Atlantique voient se lever successivement, selon leur histoire et leurs difficultés propres, l'aurore de leur puissance.
Ainsi, Vitorino Magalhães Godinho, dans Les Découvertes XV-XVIe : une révolution des mentalités, note qu "entre le XIe et le XVIIe siècle, ce n’est pas une mais plusieurs révolutions qui ont lieu : révolution intellectuelle d’une part, révolution de la structure sociale d’autre part".
Mais les transformations vont bien au-delà et les découvertes marquent un véritable tournant économique et politique. Dans La double hélice des civilisations, André de Peretti explique que
les conséquences des grandes découvertes en Europe même sont considérables. Pour la première fois, l’économie européenne, limitée à la fin du XVe siècle au vieux continent, avec les deux foyers de l’Italie du Nord et des pays-Bas, éclate aux dimensions du monde» (…) l’exploitation du Nouveau monde permit alors à l’Europe de doubler son stock d’or, de tripler ou quadrupler celui d’argent (…)
La bourgeoisie capitaliste des grandes villes marchandes est «la grande bénéficiaire», aux dépens des nobles (…)
Nous vous laissons poursuivre cette lecture et vous invitons, pour compléter cette première approche, à lire les ouvrages suivants :
Atlas des grandes découvertes : de l'Antiquité à nos jours / Stéphane Dugast ; cartes Xemartin Laborde, 2021 : "Des cartes retracent l'exploration du monde, des premières expéditions d'Alexandre le Grand à la conquête de l'espace. Au fil des pages, les voyages de grands explorateurs sont évoqués, tels que Magellan, Lapérousse, Bougainville ou encore Livingstone".
L'exploration du monde : une autre histoire des grandes découvertes / direction, Romain Bertrand ; coordination, Hélène Blais, Guillaume Calafat, Isabelle Heullant-Donat, 2019.
Idées reçues sur les grandes découvertes : XVe-XVIe siècles / Michel Chandeigne, Jean-Paul Duviols, 2018 : "Longtemps réduites à celle du Nouveau Monde en 1492, les Grandes Découvertes furent beaucoup plus vastes et mobilisèrent non seulement l'Espagne et le Portugal, mais aussi marins, savants, banquiers et missionnaires de toute l'Europe. En moins de cent ans, le monde connu décupla, un océan et un continent furent découverts et, peu ou prou, l'espace fini tel que nous le connaissons aujourd'hui. Comme tous les grands événements, les mythes empiètent sur les faits. De l'école de Sagres d'Henri le Navigateur au tour du monde de Magellan, de l'œuf de Colomb aux bateaux en feu de Cortès et à la route des Indes de Vasco de Gama…, ce livre recense et analyse les idées reçues les plus répandues sur les Grandes Découvertes.
Prenant le contre-pied d'une histoire héroïque des expéditions européennes et des discours qui les associent à l'entrée dans la modernité, des historiens, au fil de 90 récits d'aventures, revisitent les chronologies officielles de la découverte du monde, rendant justice aux explorateurs extra-européens et aux personnages méconnus qui, du VIIe au XXe siècle, y ont contribué".
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