Quels sont les différents types de symbolique au cinéma ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'espère que vous allez bien !
Aujourd'hui, je vous contacte car j'aimerais connaître les différents types de symbolique au cinéma.
Les symboliques qui me viennent à l'esprit sont les suivantes :
les scènes de transitions, Ex : Un homme qui s’apprête à en tuer un autre, la scène d'après, quelqu'un qui coupe un poisson. Autre Ex : Scène où quelqu'un est heureux, dans la scène d'après un autre est triste, du bruit au silence ou du clair à l'obscur, ect...
Les symboliques sur l'état émotionnel du protagoniste : Ex : Travis dans Taxi driver qui fait fondre un médicament dans son verre d'eau, symbolique qu'il est en train lui même de s'autodétruire...
La porte que l'on voit dans parasite est une symbolique du mystère, du danger présent qui nous guette sans s'en apercevoir.
Ce sont les seuls qui me viennent à l'esprit, alors qu'il en y a pleins d'autres. Il y a aussi les couleurs, la constitution des décors, ect... Si vous pouviez répertorier la grande majorité des symboliques, et expliquer leur sens et leur force en donnant des références, ce serait extrêmement généreux.
En espérant que cette question puisse autant vous intéresser qu'à moi !
Je vous souhaite une bonne journée,
SilentSoul
Réponse du Guichet

Le terme "symbolique" recouvre une notion complexe dans l'histoire des arts. Ce dont vous parlez relève d'avantage de l'analyse filmique pour laquelle il existe des outils et qui nécessite de s'adapter à chaque film, au-delà de certaines considérations techniques communes permettant des effets que l'on retrouve dans plusieurs films.
Votre question a trait à la question de l’analyse filmique et en particulier à une analyse qui permettrait d’analyser des plans (ou photogramme) au prisme des symboles auxquels ils se réfèrent.
Tout d'abord, votre question relève moins de la symbolique qu'elle ne s’inscrit dans une question plus vaste des images dont l’étude relève de plusieurs domaines dont la sémiologie (étude de la signification) (étude des mécanismes de toutes formes de lecture, hors linguistique) et l’iconologie (étude en trois niveaux des images: le motif, le thème et le contenu symbolique) ou encore l’iconographie (étude de la signification des images). Ces domaines fourmillent d’analyses.
L’ouvrage de référence suivant est celui qui correspondrait le mieux à vos attentes:
Dictionnaire d'iconologie filmique sous la direction d'Emmanuelle André, Jean-Michel Durafour & Luc Vancheri
Voici son résumé : «Fondée à la fin du XVIe siècle puis réinvestie au début du XXe siècle, l'iconologie est une discipline visant à interpréter le contenu d'une oeuvre d'art et à en analyser les conditions de production. A travers une centaine d'entrées réparties en cinq catégories, les contributeurs proposent des réflexions d'ordre iconologique sur des films, des cinéastes ou des théoriciens de l'image».Dans ce livre,l’introduction est particulièrement éclairante sur l’histoire de cette discipline, l’iconologie.
Vous trouverez dans ce livre les motifs et les notions qui ont structuré les pratiques analytiques et organisé l’espace théorique.
Dans ce document cité précédemment, à la page 589, il est écrit : «Pris dans un sens usuel, le symbole a une définition relativement extensive: considéré comme une représentation figurée, imagée, concrète d’une notion abstraite, il est synonyme d’emblème, de métaphore, d’allégorie.»
La définition de symbole en esthétique est donc peu évidente. Il existe tout de même des ouvrages recensant les symboles comme l'Encyclopédie des symboles où vous trouverez des grands motifs de la culture occidentale et leurs significations. Il est dit dans son introduction, au sujet de la définition de symbole : «Disons –le d’emblée: on ne trouvera pas dans ces pages une définition du symbole. (…) Mais la raison d’un tel choix s’imposera avec la force de l’évidence quand on aura compris que définir le symbole serait revenu à rallier de manière trop exclusive tel ou tel courant des sciences humaines contemporaines, telle ou telle position de la tradition hermétique, telle ou telle philosophie religieuse.»
La notion de symbole recouvre donc des réalités mouvantes, en fonction de l'environnement culturel. Il existe effectivement des dictionnaires des symboles mais ceux-ci sont construits sur des connaissances liées à des domaines et des époques précis. Il en est de même pour le cinéma: un plan au cinéma peut recouvrir donc plusieurs niveaux de symboliques en fonction de l’époque, du pays.
L’article suivant propose également que l’analyse qui concerne les symboles des images de films se fait en fonction de l’esthétique du réalisateur, En effet, on trouve le passage suivant dans cet article de Cairn sur 3 trois niveaux de l’image filmique font le niveau symbolique que l’auteur de l’article relie à l’auteur:
«(…) dans son livre L’obvie et l’obtus et selon laquelle on peut distinguer trois niveaux dans l’image filmique: un «niveau informatif» qui renvoie à toute la connaissance conférée entre autres par le décor, les personnages, les costumes; un «niveau symbolique» qui concerne les symboles liés au thème du film, à son auteur, à son référentiel; et un «niveau obtus» qui est de l’ordre du sensible et renvoie à l’émotion. Àtravers ces trois niveaux, nous pouvons comprendre les projections qu’élabore le spectateur au cours du film et le caractère double des images.»
Dans Précis d’analyse filmique, une partie entière est consacré à la «L’image comme symbole» et il distingue le symbole de la métaphore. Cette dernière est une création individuelle qui n’a pas de vocation à être répétée.Le symbole, lui est reconnu par une communauté « laquelle a accepté une fois pour toutes en vertu d’un contrat sémio pragmatique, l’opération métaphorique qui y est à l’œuvre.»
Dans l’ouvrage Lire les images au cinéma à la page 46, on peut cependant s'approcher de ce dont vous semblez parlez, à savoir une analyse analogique (une chose en évoque une autre) par l'évocation des métaphores audiovisuelles :
«Les métaphores audiovisuelles
Comme le dit Aristote dans sa Poétique, la métaphore est le transport d’une chose d’un nom qui en désigne une autre, d’après le rapport d’analogie.Combien de métaphores de ceci ou de cela n’ont elle spas été trouvées dans le moindre recoin des grands films par des générations d’exégètes traqueurs de sens caché! Mais tous les metteurs en scène à la recherche cohérence et d’unité de l’œuvre (un grand nombre de personnes donc) en ont sciemment placé dans leurs œuvre.»
Et page 47:
«On le voit les métaphores fonctionnent en contexte. Elles ne valent que dans un film, une situation donnés: se servir d’un dictionnaire des symboles pour les débusquer serait courir à la catastrophe dans la plupart des cas, en plaquant artificiellement des couches de sens sur un plan qui n’en demande pas.»
L’auteur avance en revanche la notion de métaphores stylistiques qui seraient des moyens techniques au service du sens:
Page 48 «Au cinéma, elles apparaissent essentiellement par le biais du cadrage et du montage et s’associeront souvent à des annonces (sui préviennent discrètement le spectateur de ce qui va arriver afin de lui donner la sensation de la cohérence du film dans son entier) et de rappelles (qui fonctionnent dans l’autre sens, du présent vers le passé.) «
Ce livre analyse en particulier un plan du film Carrie de Brian de Palma. La mère de Carrie coupe des carottes alors que sa fille est entrain de fréquenter des représentants du genre masculin au bal :
«Il y a d’abord la métaphore de la volonté castratrice (à la portée de tous les arts narratifs), et ensuite une métaphore stylistique que le cinéma ne pourrait partager qu’avec la peinture: le plan en plongée quasi-totale, point de vue divin qui s’accorde avec la certitude de la mère d’agir par obligation divine. Pour couronner le tout, De Palma s’offre une astuce «reflexive» (c’est-à-dire renvoie à l’art du cinéma lui-même) en faisant coïncider chaque coup de couteau avec un pint de montage (c’est le même mot: un cut pour le film et to cut pour la carotte».
Enfin, on peut en ce sens vous conseiller le document suivant: Grammaire du cinéma de Marie-France Briselance, Jean-Claude Morin
On peut également avancer qu’une analyse guettant les symboles au cinéma fluctue en fonction du regardeur, du spectateur et de son référentiel d’éléments culturels. A partir des années 80, le modèle d’analyse sémiologique s’est enrichi d’une nouvelle dimension, la réception du film par le spectateur.
Pour finir, pour avancer dans la lecture d’image au cinéma, nous vous proposons de vous reporter à des ouvrages d’analyse filmique afin de saisir les tenants et les aboutissants de la narratologie ou science de la narration. Voici quelques références sur le sujet :
- Dans Esthétique du film, le chapitre «le film signifie : cinéma et langage» donne un bref éclairage sur l’histoire des réflexions en sémiotique sur le cinéma page 171 et éclaire sur les théoriciens comme Christian Mertz qui a fait de la question de la signification et du langage au cinéma son cœur de recherche avec les ouvrages suivants. Citons aussi Raymond Bellour, Peter Wollen, Jacques Aumont..
- Comment pensent les films : Apologie du filmique / Jacques Aumon
- Lire les images de cinéma: Laurent Jullier et Michel Marie
- Sur le langage cinématographique
- L'analyse de séquences Laurent Jullier