Pourquoi existe-t-il des inégalités de rémunération entre hommes et femmes ?
Question d'origine :
Pourquoi, même en 2022, y a t il -a compétences égales- toujours un écart salarial défavorable aux femmes ?
Réponse du Guichet
Les différences de salaires qui subsistent entre les hommes et les femmes à temps de travail égal dans notre pays sont dues à divers facteurs, les principaux étant une "ségrégation" des métiers exercés, une plus grande implication dans la vie familiale et l'éducation des enfants, et une plus grande difficulté à accéder à des postes à salaires élevés.
Bonjour,
Dans l'article de l'Insee Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé, Simon Georges-Kot se livre à une analyse des raisons de ces écarts salariaux. Sa conclusion est sans appel :
Les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes prennent des formes multiples.
En premier lieu, les inégalités de volume de travail, les femmes étant bien plus souvent à temps partiel que les hommes. Pour les plus jeunes, les moins diplômés, les parents d’enfants en bas âge, ces inégalités de volume de travail sont le principal facteur pesant sur l’écart de revenu salarial.
S’y ajoutent les inégalités de salaire pour un même volume de travail, qui sont faibles au début de la vie active mais s’accroissent tout au long de la carrière. Elles proviennent principalement du fait que les femmes et les hommes ne travaillent pas dans les mêmes secteurs et n’occupent pas les mêmes emplois.
Le statisticien ajoute que "les femmes accèdent moins aux emplois les moins rémunérés", surtout pour les salarié.es ayant des enfants : "les écarts de salaire entre les pères et les mères sont nettement plus importants qu’entre les femmes et les hommes sans enfant" !
Certes, ces inégalités tendent à se réduire depuis quelques décennies, puisque l'écart de salaire moyen est passé de 29,4% à 16,3% entre 1976 et 2017. Mais elles augmentent avec le niveau de diplôme et d'avancement dans la carrière : l’écart de salaire en équivalent temps plein (EQTP) "s’élève à 29,4 % pour les titulaires d’un Bac + 3 ou plus, contre 15,8 % pour les individus qui n’ont pas le baccalauréat". De même, si l'écart n'est que de 6,4% "pour les personnes récemment entrées sur le marché du travail" il atteint "21,7 % pour celles qui ont plus de 30 ans de carrière".
Au rang des raisons majeures des inégalités, on trouve une "ségrégation" des emplois occupés couplée à une "ségrégation hiérarchique" puisque "68 % de l’écart provient du fait que les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes postes" : les femmes occupent moins souvent les emplois les mieux rémunérés et les postes de cadres, ne pratiquent pas les mêmes métiers... et ont d'autant moins de chances d'accéder à des postes hauts placés et biens rémunérés qu'elles ont plus d'enfants.
Ce qui suggère que la place accordée à la famille pour chaque sexe est source d'inégalités.
Toujours par l'Insee, nous vous conseillons l'article de Philippe Roussel Femmes et Hommes : une lente décrue des inégalités qui insiste également sur la différence des secteurs d'activité et le poids de la famille :
À l’école, les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons. Pour celles qui rejoignent l’enseignement supérieur, l’orientation s’effectue plutôt vers des carrières dans le domaine médico-social ou médical et les sciences humaines. Ainsi, l’emploi des femmes se concentre dans certains secteurs d’activité et certains métiers, notamment de services et du soin. Plus diplômées que les hommes, les femmes ne représentent toutefois que 43 % des emplois de cadres et professions intellectuelles supérieures en 2020. Cette part a cependant doublé depuis 1980.
Le taux d’activité des femmes augmente régulièrement depuis le milieu des années 1970, alors que celui des hommes est plutôt stable depuis le début des années 1990 : en 2020, parmi les 15-64 ans, 68 % des femmes et 75 % des hommes participent au marché du travail. En 2019, le revenu salarial des femmes reste inférieur en moyenne de 22 % à celui des hommes (28 % en 2000). Un peu moins d’un tiers de cet écart s’explique par des différences de durée de travail. À l’arrivée des enfants, pour concilier vie privée et vie professionnelle, les femmes sont toujours plus nombreuses que les hommes à interrompre leur activité ou à réduire leur temps de travail : en 2020, celles qui travaillent sont trois fois plus souvent à temps partiel que les hommes (cinq fois plus en 2008). Les femmes ont également moins souvent accès aux postes les mieux payés et travaillent dans des entreprises et secteurs d’activité moins rémunérateurs.
La vie en couple est la situation la plus répandue. Néanmoins, avec la hausse des ruptures d’union, le nombre de mères à la tête d’une famille monoparentale a augmenté de 24 % entre 2006 et 2018. Parmi elles, une sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Du fait de carrières professionnelles plus courtes et moins bien rémunérées, les femmes partent à la retraite en moyenne un an plus tard que les hommes et leurs pensions sont inférieures. Enfin, en raison d’une espérance de vie plus élevée, les femmes sont majoritaires parmi les 65 ans ou plus, et leur part s’accroît avec l’âge. Davantage confrontées au veuvage, les femmes vivent plus souvent seules aux âges avancés et, après 75 ans, vivent plus fréquemment en établissement et dans des situations de dépendance.
Une page du site de l'Observatoire des inégalités énonce sensiblement les mêmes raisons. Il remarque par ailleurs que les inégalités sont le plus souvent présentées selon un point de vue masculin. Un biais qui n'aide sans doute pas la société à évoluer :
L’écart de salaires entre les femmes et les hommes est, dans l’immense majorité des cas, présenté du point de vue masculin. On mesure combien les femmes touchent de moins que les hommes. Dans notre calcul basé sur les chiffres de l’Insee, lorsque les hommes touchent 100, les femmes reçoivent 83,2 (2 118 ÷ 2 547). Elles perçoivent ainsi 100 - 83,2 = 16,8 de moins. Rapporté aux 100 des hommes, cela fait 16,8% en moins.
Mais rien n’empêche de voir les choses autrement: du point de vue des femmes! Si l’on rapporte l’écart de 16,8 aux 83,2 des femmes, cela fait 16,8 ÷ 83,2 = 20,3%. Les hommes touchent donc 20,3% de plus que les femmes. Si on arrive à un résultat différent, c’est parce que les pourcentages ne sont pas réversibles, car ils ne s’appliquent pas à la même base de départ. Baissez un prix de 50% pour un bien de 100 euros, vous l’avez à 50 euros. Augmentez-le de 50%, et le voilà à 75 euros (car 50% de 50 euros = 25 euros).
Aucune des deux méthodes n’est plus «juste» ou meilleure. Mais il est frappant de constater que celle qui aboutit au chiffre le plus faible s’est imposée dans le débat public.
Votée le 5 septembre 2018, la Loi n° 2018-771 du pour la liberté de choisir son avenir professionnel met cependant les employeurs en demeure de lutter
La Loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel soumet les entreprises à une obligation de résultat. Elle a créé l’Index de l’égalité salariale Femmes-Hommes.
Il est calculé chaque année à partir de 4 ou 5 indicateurs selon la taille de l’entreprise : rémunérations, augmentations, promotions, congés maternité, parité du top management. Il doit être rendu public et transmis à l’inspection du travail. En cas de résultat inférieur à 75 points sur 100, l’entreprise doit prendre des mesures pour corriger la situation dans un délai de trois ans sous peine de pénalité financière pouvant représenter jusqu’à 1% de leur masse salariale.
L’obligation de publier l’Index a été échelonnée. Elle concerne les entreprises de plus de 1 000 salariés depuis le 1er mars 2019. Elle sera étendue aux entreprises de plus de 250 salariés le 1er septembre prochain avant d’être élargie à toutes les entreprises d’au moins 50 salariés le 1er mars 2020. L’Inspection du travail va par ailleurs multiplier par 4 le nombre des contrôles sur l’égalité professionnelle de 1730 à 7000 par an.
Égalité et formation professionnelle
Pour les salariés à temps partiel, qui sont à 80 % des femmes, les droits à la formation seront les mêmes que pour les salariés à temps plein.
Source : Ministère du Travail, du Plein-Emploi et de l'Insertion
Vous trouverez sur le même site une brochure présentant succinctement la loi. On y découvre que la loi comporte de nombreux volets sur la formation professionnelle et l'accès au chômage, ainsi que l'obligation des entreprises de consacrer "enveloppe au rattrapage salarial" et de se mettre en conformité sous trois ans, sous peine de sanctions : le 23 octobre 2018, le Gouvernement annonçait que ces sanctions prendraient la forme d'une amende à hauteur d'1% du chiffre d'affaires dans les entreprises de plus de 50 salarié.es.
Reste que l'organisation reste un enjeu essentiel. Dans une interview autour de son film Debout les femmes !, le député François Ruffin, qui ne manque jamais une occasion de dénoncer la précarité des femmes de ménage, y compris au sein de l'Assemblée nationale, remarquait :
"On a des faux temps partiels, puisqu'on leur demande d'aller le matin passer chez une personne âgée, d'ouvrir ses volets, de sortir la personne âgée du lit, de la laver, de lui donner à manger, tout ça avec un œil sur le chrono pour que ça tienne en une demi-heure, puis de passer à un deuxième contrat comme ça (...). Ce sont des journées à trous, elles interviennent plusieurs fois dans la journée mais avec des grands temps au milieu", critique François Ruffin.
[...]
"En vérité, elles travaillent longtemps, mais avec des vrais salaires partiels", affirme le réalisateur, avant de poursuivre : "On a toutes ces personnes dont on nous dit, et tous les députés et candidats vont le répéter, qu'elles font un travail exceptionnel (...) et pourtant, à l'arrivée, sur la fiche de paye, c'est 600, 700, 800 euros par mois. Elles vivent, pour la majorité, sous le seuil de pauvreté alors qu'elles travaillent beaucoup et qu'elles font des métiers qui sont essentiels pour notre pays."
Pour aller plus loin :
Les femmes valent-elles moins cher que les hommes ? [Livre] / Annie Batlle
Un quart en moins [Livre] : des femmes se battent pour en finir avec les inégalités de salaires / Rachel Silvera ; préface de Michelle Perrot
Quantifier l'égalité au travail [Livre] : outils politiques et enjeux scientifiques / sous la direction de Soline Blanchard et Sophie Pochic ; postface d'Emmanuel Didier
La mixité en entreprise [Livre] : [tout savoir pour agir] / Catherine Bonneville-Morawski
Des femmes qui tiennent la campagne [Livre] / Sophie Orange et Fanny Renard
La production du vivre [Livre] : travail, genre et subalternités / sous la direction de Pascale Molinier, Léa Boursier & Sophie Mercier-Millot
Genre et politiques de l'emploi et du travail [Revue] / sous la direction de Mathilde Guergoat-Larivière et Delphine Remillon
Merci mais non merci [Livre] : comment les femmes redessinent la réussite sociale / Céline Alix
L'entreprise du XXIe siècle sera féministe [Livre] / Léa Dorion
L'égalité femmes-hommes au travail de A à Z [Livre] / Mélanie Duverney Pret, Marie-Hélène Joron, Véronique Mahé
Le genre au travail [Livre] : recherches féministes et luttes de femmes / coordonné par Nathalie Lapeyre, Jacqueline Laufer, Séverine Lemière... [et al.] ; [publié par le Réseau international et pluridisciplinaire Marché du travail et genre en Europe]
Debout les femmes ! [D.V.D.] / réal. et scénario de Gilles Perret et François Ruffin
Bonne journée.