Quel est l'historique de la couleur rose ?
Question d'origine :
Quel est l'historique de la couleur rose ?
Bien à vous,
Géraldine
Réponse du Guichet
Initialement considérée comme une nuance de rouge, la couleur rose trouve son origine dans le mot latin "roseus" qui désigne un rouge clair. Depuis le terme n’a cessé de renforcer son acception pour signifier un rouge très pâle. Longtemps symbole des rois et du pouvoir, le rose devient synonyme de frivolité en s’invitant dans les penderies des dames de la noblesse sous l’influence de Me de Pompadour.
Le rose, une couleur insaisissable, reflet de l’évolution des mentalités à travers les âges ?
Bonjour,
Mélange de blanc et de rouge, le rose depuis le XIXe siècle bénéficie d’un statut chromatique. Pour autant, Le dictionnaire des mots et expressions de couleur du XXe siècle : Le Rose (2002) d’Annie Mollard-Desfour précise que:
L’autonomie du rose par rapport au rouge, qui n’est pas fondée sur une codification physique du spectre des couleurs, mais sur une approche culturelle et linguistique, est particulièrement délicate, et ne fait donc pas l’unanimité. (p. 21)
Le rose n’appartient pas aux couleurs principales. Obtenu en mélangeant du rouge et du blanc, il est considéré dès les premiers temps de l’histoire des couleurs comme subordonnée au rouge, la couleur de la force et de la puissance. Ainsi pendant longtemps l’histoire de l’art nous donne à voir de nombreux portraits d’hommes vêtus de rose, à l’instar du Portrait d’Henri IV en Mars conservé au Musée national du château de Pau. Si aujourd’hui, en occident, le rose peut avoir une connotation féminine, il faut avoir à l’esprit que cette couleur fut longtemps celle des garçons. Et notamment des héritiers royaux, habillés de «petit rouge» pour les préparer à la couleur royale.
Au XIXe, le baron Frédéric Portal (1804-1876) dédie un chapitre à la couleur rose qu’il consacre plus particulièrement à ses origines antiques. Il aborde, alors, ce champ chromatique sous l’angle de rites initiatiques et des symboles de régénération (p. 217-226) dans Des couleurs symboliques dans l'antiquité, le moyen âge et les temps modernes, numérisé et accessible sur Numelyo.
Le rose véhicule donc un message fort en termes d’usages et de coutumes. Et ce, en dépit des nombreuses évolutions que connaît cette couleur au cours de siècles. Jusqu’au XVIIIe siècle, il matérialise le pouvoir modéré, la spiritualité, la beauté. Puis, un changement de paradigme s’amorce. La couleur est davantage utilisée pour souligner le charme et les plaisirs de la chair et fait référence à la frivolité et la légèreté. Elle devient l’apanage de la fragilité à l’instar des pétales de fleurs qui arborent, dans la nature, une large palette de nuances de rose. D’abord symbole de sagesse et régénération, puis de pouvoir, le rose glisse vers la sensualité et le caractère de ce qui est éphémère.
Tantôt approuvé, tantôt stigmatisé, le rose est une couleur en évolution perpétuelle avec les valeurs de la société comme le décrit Annie Mollard-Desfour dans son dictionnaire :
Le rose est encore et toujours la couleur représentative des sentiments tendres, de l’amour romantique et de la sentimentalité […].
D’autres part, à cause des codes sociaux qui, vers le début du XXe siècle, ont fait du rose la couleur des petites filles et des femmes, le rose est étroitement associé à la féminité, et par voie de conséquence, à l’homosexualité. Mais par renversement de symbole, les associations gay ont fait du rose ségrégationniste et oppressif un rose de la revendication égalitaire et le triangle rose imposé aux détenus homosexuels dans les camps de concentration nazis est, de nos jours, devenu emblématique de la «Fierté homosexuelle».
Une autre évolution du rose au XXe siècle, est ses liens plus étroits avec les idées socialistes, grâce à l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le 10 mai 1981 et à une certaine rose rouge, qui a pâli, pour être différenciée du rouge communiste.
Enfin, la réponse à une précédente question sur la symbolique des couleurs posée en 2019 pourrait aussi vous intéresser : Rose jésus et bleu flic
Sources :
Rose de Philippe Durand Gerzague (2013)
Le dictionnaire des mots et expressions de couleur du XXe siècle : Le Rose d’Annie Mollard-Desfour (2002)
Rose : de Botticelli à Christo : une couleur à (re)découvrir en 40 notices de Hayley Edwards-Dujardin (2021)
Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau, Dominique Simonnet (2005)
Petite histoire de la couleur rose par Giulia Foïs sur France inter (03/10/2019)
Bonne journée.