Quels rôles jouaient les fabriques des paroisses en France jusqu'en 1904 ?
Question d'origine :
Cher guichet,
1)Pouvez-vous me confirmer (et me préciser en quoi cela consistait) que les membres des fabriques des paroisses en France jusqu'en 1904 pouvaient offrir à la grand-messe du dimanche le "pain bénit" mais aussi la prise de tabac aux fidèles ?
2Y avait-il un président du conseil de fabrique pour les trois ans renouvelables de ce conseil de fabrique ?
3)Les femmes pouvaient-elles être admises dans la fabrique ?
Merci
Réponse du Guichet

Les marguilliers, membres du conseil de fabrique, avaient pour fonction de gérer le budget du culte. C'est dans ce cadre qu'ils procédaient à l'achat du pain bénit ainsi que du tabac à priser qu'ils offraient à leurs fidèles. Le conseil de fabrique ainsi que le bureau des marguilliers désignaient un président pour un an. Les femmes semblent bien avoir été exclues de ces organes.
Bonjour,
1) Si le bureau des marguilliers (dont les membres sont choisis parmi ceux du conseil de fabrique) a bien en charge l'achat des fournitures nécessaires au culte dont le pain bénit fait partie, il est surprenant de découvrir qu'il peut également réserver une partie du budget de la fabrique à l'achat de tabac à priser pour l'offrir aux fidèles.
C'est ce que l'on peut observer sur une carte postale de Saint-Brévin-les-Pins. "Pendant la messe, les marguilliers offrent la prise de tabac aux fidèles généreux".
Voir d'autres cartes postales sur la prise de tabac
Nous vous laissons consulter le document intitulé La fraude et la contrebande de tabac au XVIIIe siècle en France : les rébellions de la contrebande de tabac en France et en Bretagne (1661-1789) dans lequel Justine Bourgeois explique que sous Louis XIV, on ne peut priser qu'une seule fois durant la messe et que cette prise est offerte aux fidèles par les marguilliers.
2) Plus largement et pour mieux connaître le rôle du conseil de Fabrique et du bureau des marguilliers, nous vous invitons à consulter le livre de Jean-Pierre Moisset intitulé Les biens de ce monde : les finances de l'Eglise catholique au XIXe siècle dans le diocèse de Paris : 1802-1905 partiellement consultable sur Google Livre.
En voici quelques extraits :
«A l’échelon paroissial, l’administration matérielle est confiée tout au long du [XIXe siècle] à des fabriques. Cette apparente continuité masque en réalité un changement d’importance qui intervient en 1809 et qui modifie en profondeur le régime administratif et financier des fabriques.
Les Articles organiques du culte catholique inclus dans la loi du 18 germinal an X confient la gestion des paroisses à des fabriques, rétablissant ainsi des établissements que la Révolution avait supprimés, sans en définir toutefois les modalités de fonctionnement.»
[Les fabriques vont être désormais administrées par des marguilliers spéciaux.]
«En application de l’article 76 de la loi du 18 germinal an X, et conformément aux règlements épiscopaux, un premier type de fabrique s’est mis en place dès l’entrée en vigueur de la loi afin d’organiser la perception des recettes à l’intérieur de l’église ainsi que l’exécution des dépenses nécessaires au culte. On parle de fabriques intérieures. Les hommes qui la composent sont appelés fabriciens et sont nommés par les évêques dans leurs règlements. Un second type de fabrique voit ensuite le jour en exécution de l’arrêté consulaire du 7 thermidor an XI. Sa tâche est de percevoir les revenus et les arrérages engendrés par les biens et les rentes qui venaient d’être restitués, et de les utiliser pour acquitter les dépenses liées aux édifices du culte. Cette seconde fabrique se compose de trois marguilliers nommés par le préfet sur une liste double établie par le maire et par le curé, ou le desservant. On parle de fabriques extérieures.»
[Mais à partir du décret impérial du 30 décembre 1809, les deux fabriques ont été fondues en une seule.] «Il n’existe désormais plus qu’une fabrique par paroisse. C’est un établissement public composé de deux organes qui se distinguent par leur composition et leurs attributions : le conseil de fabrique et le bureau des marguilliers.
Le curé (ou le desservant) et le maire sont membres de droit du conseil de fabrique. Dans les paroisses parisiennes comme dans toutes les paroisses de plus de 5000 habitants, neuf membres s’ajoutent au maire et au curé ; lorsque le conseil se réunit pour la première fois, cinq d’entre eux sont désignés par l’évêque et quatre par le préfet. Ils doivent être notables, catholiques, et domiciliés, faute de quoi leur nomination est nulle. Ces neuf membres nommés sont partiellement renouvelés tous les trois ans selon un procédé qui favorise la continuité car les sortants, indéfiniment rééligibles, élisent les nouveaux conseillers. Une fois constitué, le conseil de fabrique élit en son sein un président et un secrétaire qui restent en fonction pendant un an. Il se réunit quatre fois l’an.
Au rythme plus soutenu d’une séance mensuelle, le bureau des marguilliers se réunit en séance ordinaire, généralement à l’issue de la messe. Il se compose de quatre membres : un membre de droit (le curé, ou le desservant) et trois membres élus par le conseil de fabrique en son sein. Chaque année le marguillier le plus ancien quitte le bureau et le conseil de fabrique procède alors à l’élection de son remplaçant. Sur les quatre membres du bureau des marguilliers, trois occupent une fonction précise, après élection : un président, un trésorier, et un secrétaire. Les fonctions de président et de secrétaire du bureau des marguilliers sont théoriquement indépendantes des fonctions identiques au conseil de fabrique, mais dans la pratique elles sont fréquemment exercées de façon concomitante. Le trésorier, quant à lui, rédige les comptes qui sont ensuite soumis à l’approbation du conseil de fabrique.
En effet, si le conseil de fabrique élit le bureau des marguilliers, ses attributions dépassent amplement cette élection. C’est avant tout un organe délibérant. Le conseil délibère sur le budget, sur le compte, sur certaines dépenses, sur les procès et les baux, et sur tout ce qui dépasse l’administration ordinaire (emprunts, dons, legs, etc.). Son approbation est également nécessaire pour fixer le prix de location des bancs et des chaises ainsi que le mode de perception de cette location. L’exécution des délibérations du conseil de fabrique appartient au bureau des marguilliers, qui a seul qualité pour agir. C’est lui qui procède aux achats des fournitures nécessaires au culte, passe les marchés d’entretien et de réparation des bâtiments paroissiaux, veille à la stricte exécution des fondations, détermine le fonds de roulement trimestriel, etc. Structure plus légère aux réunions plus fréquentes, le bureau des marguilliers détient le pouvoir exécutif. L’action est ainsi séparée de la délibération.
Vous ne précisez pas dans votre question quelle période ni quelle région particulière vous intéresse. Il est probable de retrouver des fonctionnements de conseils de fabriques différents selon le lieu et l'époque considérés.
3) Les femmes sont tacitement exclues des conseils de Fabrique. C'est en tous cas ce qu'indique le document intitulé La justice administrative à Nice, 1800-1953, du conseil de préfecture au tribunal administratif actes de la journée d'étude
Lire aussi pour aller plus loin :
- La fabrique paroissiale l ’exemple du doyenne de saint-auban (1858-1906)
- Les fabriques paroissiales rurales au xixe siècle. L'exemple des campagnes de Seine-et-Marne / Guilbaud Mathilde, Histoire & Sociétés Rurales, 2007/2 (Vol. 28), p. 67-88
- Du bon usage « de ses ors », ou les comptes de la paroisse Sainte-Marie-Madeleine d'Arras (1669-1730) / Delporte Christophe, Revue du Nord, 2001/2 (n° 340), p. 341-358.
Bonne journée.