Le site Sanofi Pasteur de Neuville-sur-Saône aura-t-il bien 150 ans en 2022 ?
Question d'origine :
Bonjour,
Chargée de communication sur le site Sanofi Pasteur de Neuville-sur-Saône, je cherche à confirmer que le site aura bien 150 ans en 2022.
Il semble que son activité industrielle ait été créée en 1872 par Badische- Aniline & Soda Fabrik » (BASF) qui avait un partenariat avec la maison Thomas (maison lyonnaise) pour y fabriquer des colorants artificiels.
Auriez-vous la possibilité de me confirmer cela ?
Je vous en remercie.
Bien cordialement,
Réponse du Guichet
L'ouvrage de Catherine Fleury, Empreintes : des couleurs de la soie aux biotechnologies, biographie d'un site industriel chimique en région lyonnaise, nous permet de retracer l'histoire de ce site depuis 1868.
C'est bien en 1872 que la "Badische Anilin et Soda-Fabrik" signe avec l'usine Thomas Frères un contrat d'association. Elle en prend le contrôle en 1878 puis l'achète en 1882.
Bonjour,
Voici les informations que nous trouvons à ce propos dans un article du Progrès publié le mardi 28 mars 2017 :
De la teinture à la fabrication d'explosifs
Dès 1868, dans le quartier du Four-à-Chaux, il existait déjà une petite usine servant à la teinture des tissus, l'usine Thomas Frères. Reconnue jusqu'en Allemagne pour la qualité de ses produits, l'usine se lie par un contrat d'association avec la "Badische Anilin et Soda-Fabrik", signé à Genève, le 7 novembre 1872. L'usine Thomas est finalement achetée le 15 juin 1882 par la Badische Anilin et Soda-Fabrik, dont elle prend le nom, et devient ainsi la succursale de cette dernière pour la production et la vente de l'alizarine artificielle (teinture de synthèse de couleur rouge) en France et à l'étranger.
L'usine, très prospère, s'agrandit les années suivantes et emploie plus de cent travailleurs en 1914. Le 2 août, la guerre est déclarée et l'usine est placée sous séquestre en tant qu'entreprise allemande. La production se poursuit quelques semaines par le personnel non mobilisé, puis les marchandises restantes sont transportées dans une usine abandonnée, l'ancienne usine Roux, et les bureaux sont transférés dans une villa.
Au début de l'année 1915, dans les bâtiments de la Badische, est installé tout le matériel nécessaire à la fabrication de tolite, un puissant explosif employé pour les obus, torpilles, cordons, etc. L'usine travaille en continu et emploie un personnel originaire de Neuville et de ses environs, des militaires et une main-d'oeuvre indochinoise et grecque. Des femmes étrangères à la région sont également embauchées à la suite de rafles sur l'asphalte parisien.
En 1916, la production est à son maximum et un nouveau bâtiment de deux étages est construit. Cette même année, deux incendies survenus dans les ateliers sont maîtrisés par les sapeurs-pompiers de Lyon affectés à la sécurité de l'établissement.
Le 14 février 1917, l'usine est rasée par les explosions. Fin septembre 1918, la Badische ferme définitivement ses portes.
(article consulté via Europresse)
Nous avons également consulté l'ouvrage de Catherine Fleury, Empreintes : des couleurs de la soie aux biotechnologies, biographie d'un site industriel chimique en région lyonnaise, qui retrace l'histoire de l'usine :
Episode I : de la fleur au goudron
L'histoire commence en 1868. Depuis l'Antiquité, la racine d'une plante grimpante, la garance, est utilisée comme source de teinture rouge. La matière colorante porte le joli nom d'alizarine. Deux chimistes berlinois, Carl Graebe et Carl Liebermann, découvrent que le squelette de l'alizarine est celui de l'anthracène, un hydrocarbure extrait du goudron de houille. Ils parviennent ensuite à transformer l'anthracène en alizarine, qui devient alors le premier pigment naturel reproduit synthétiquement. Cette seconde étape n'a pu être réalisée sans l'aide de Heinrich Caro, autre chimiste allemand, qui s'apprête à prendre la direction scientifique de la Badische Anilin und Soda Fabrik (B.A.S.F.) à Ludwigshafen. Simultanément, la même synthèse de l'alizarine est découverte par le chimiste anglais William Henry Perkin, indépendamment de l'équipe allemande. Un jour avant Perkin, la BASF dépose le brevet sur lequel la jeune entreprise va asseoir une renommée mondiale.
Et Neuville dans tout ça ?
En 1872, la BASF signe un contrat d'association avec la maison Thomas frères, fabrique de garance, filature et ouvraison des soies à Avignon, lui cédant le droit de fabriquer et de vendre l'alizarine artificielle. Les frères Thomas possèdent à Neuville-sur-Saône, quai Armand Barbès, une petite usine pour la fabrication de produits servant à la teinture des tissus. La date de la construction de cette usine est inconnue.
En 1878, la BASF prend le contrôle de l'usine. Elle en fait sa succursale et ouvre une Agence Générale à Paris pour la commercialisation.
Episode II : une usine prospère
En 1882, la BASF achète l'établissement et l'agrandit considérablement. L'usine ne produit pas seulement de l'alizarine, mais bientôt de l'indigo pur et toutes préparations associées, ainsi que les couleurs d'aniline, appliquant les procédés de fabrication de la maison mère. Elle constitue la principale activité industrielle de Neuville. En 1914, elle emploie un peu plus de cent ouvriers et employés.
Episode III : la guerre
Le 2 août 1914, c'est le début de la guerre, l'usine est placée sous séquestre. Les Services des Poudres y installent une fabrique de tolite (trinitrotoluène ou TNT). Y travailleront quelques femmes, des soldats mobilisés, également une main-d'oeuvre étrangère dont un certain nombre de Chinois et des ouvriers grecs. L'usine n'est qu'à 700 m de la bourgade de Neuville.
Le 14 février 1917, au milieu de la matinée, un incendie se déclare dans un bâtiment de l'usine, suivi de trois explosions à plusieurs minutes d'intervalle. Elles sont d'une telle violence qu'elles sont ressenties à près de 15 km à la ronde. Environ 350 personnes sont en poste à ce moment-là. Les bâtiments s'écroulent autour d'un énorme cratère profond de 15 m. Des pierres et des pièces de fonte sont projetées au loin. L'incendie progresse. Les pompiers accourus avant la seconde explosion sont en grande difficulté. Fenêtres, cloisons, plafonds sont soufflés dans les maisons aux abords de l'usine. Un fourgon pompe est projeté jusque dans la Saône, mais il ne coule pas. L'hiver est particulièrement rude et la rivière est gelée.
Il est difficile de savoir précisément combien de personnes ont péri dans cette terrible catastrophe. La censure est à l'oeuvre en temps de guerre. Au moins onze tués et une soixantaine de blessés font le sinistre bilan de cet accident. L'usine est un champ de ruines. Le mur et le portail d'entrée, la maçonnerie de la conciergerie et trois cheminées restent seuls debout.
Le site est abandonné.
Episode IV : renaissance
En 1923 s'établissent deux petites entreprises. Quelques bâtiments s'élèvent à nouveau quai Armand Barbès. A l'est une fabrique de viscose : les établissements Meunier. A l'ouest une autre, de cuir artificiel et d'engrais : les établissements Ruffin. Peu prospères, elles n'occuperont le site que jusqu'en 1930.
Episode V : Grignoux & Cie, vers la croissance
1935 : Georges Gignoux fonde la société Gignoux & Cie en rachetant l'ensemble de l'ancien site de la Badische Anilin. La nouvelle entreprise entend répondre à un besoin du marché français en produits chimiques dans les branches minérale et organique, particulièrement les sels de baryum et de strontium, de mercurochrome, de fluorescéine. Le mur qui séparait Meunier de Ruffin est détruit, les dernières ruines disparaissent, le sol est nivelé.
La construction des bâtiments qui seront plus tard achetés par UCLAF sont pour la plupart achevés en 1946, à l'exception de la chaufferie, aménagée en 1950.
En 1944, Paul Grignoux succède à son père. Sous son impulsion, de nouvelles fabrications sont mises au point et fournissent une clientèle très diverse : pharmacie, agriculture et vétérinaire, radio, pyrotechnie, papier photo, peintures sous-marines, parfumerie.
1953 : UCLAF jette son dévolu sur la petite usine au milieu des champs...
Toujours dans l'ouvrage de Catherine Fleury, nous apprenons que la Société Française Hoechst réalise une OPA sur la totalité des actions de Roussel UCLAF en 1997. Les activités pharma de Roussel UCLAF sont regroupées au sein de HMR. Fin 1999, la société Aventis naît de la fusion des activités de Rhône-Poulenc et de Hoescht dans les sciences de la vie. C'est en 2004 que Sanofi achète Aventis :
En 2004, Sanofi-Synthélab, groupe pharmaceutique français né en 1999 de la fusion de filiales d'Elf et de l'Oréal, achète Aventis, près de trois fois plus gros que lui. Objectif : grâce à leur chiffre d'affaires cumulé, atteindre la troisième place mondiale derrière l'américain Pfizer et le britannique GlaxoSmithKline. Cardiovasculaires et vaccins, cancérologie, maladies du système nerveux central et diabète sont les grandes spécialités du nouveau Groupe. Le rapprochement offre la possibilité d'une plus forte présence aux Etats-Unis, et des moyens supplémentaires pour la Recherche.
Les valeurs mises en avant par Sanofi, à sa tête Jean-François Dehecq, redonnent à l'industriel une place reconnue qu'il avait quelque peu perdue sous la direction d'Aventis. Depuis 2000, les activités de vente et de recherche avaient pris le pas, dans l'ordre des priorités, sur celles de la production. Cette considération forte accordée par Sanofi aux usines du groupe est bien sûr favorablement accueillie par le site de Neuville et renoue avec l'état d'esprit de Roussel UCLAF.
Bonne journée.